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LES ÂMES DU PURGATOIRE.

lit. Il passa la nuit sans dormir, ne pensant qu’au meurtre qu’il venait de commettre et surtout à ses conséquences. Chaque fois qu’il entendait dans la rue le bruit des pas d’un homme, il s’imaginait que la justice venait l’arrêter. Cependant, comme il était fatigué et qu’il avait encore la tête lourde par suite d’un dîner d’étudians auquel il avait assisté, il s’endormit au moment où le soleil se levait.

Il reposait déjà depuis quelques heures, quand son domestique l’éveilla en lui disant qu’une dame voilée demandait à lui parler. Au même moment une femme entra dans la chambre. Elle était enveloppée de la tête aux pieds d’un grand manteau noir, qui ne lui laissait qu’un œil découvert. Cet œil, elle le tourna vers le domestique, puis vers don Juan, comme pour demander à lui parler sans témoins. Le domestique sortit aussitôt. La dame s’assit regardant don Juan de tout son œil avec la plus grande attention. Après un assez long silence, elle commença de la sorte :

— Seigneur cavalier, ma démarche a de quoi surprendre, et vous devez sans doute concevoir de moi une médiocre opinion ; mais si l’on connaissait les motifs qui m’amènent ici, sans doute, on ne me blâmerait pas. Vous vous êtes battu hier avec un cavalier de cette ville

— Moi, madame ! s’écria don Juan en pâlissant ; je ne suis pas sorti de cette chambre

— Il est inutile de feindre avec moi, et je dois vous donner l’exemple de la franchise. — En parlant ainsi, elle écarta son manteau, et don Juan reconnut dona Teresa, — Seigneur don Juan, poursuivit-elle en rougissant, je dois vous avouer que votre bravoure m’a intéressée pour vous au dernier point. J’ai remarqué, malgré le trouble où j’étais, que votre épée s’était brisée, et que vous l’aviez jetée à terre auprès de notre porte. Au moment où l’on s’empressait autour du blessé, je suis descendue et j’ai ramassé la poignée de cette épée. En la considérant, j’ai lu votre nom, et j’ai compris combien vous seriez exposé si elle tombait entre les mains de vos ennemis. La voici, je suis bien heureuse de pouvoir vous la rendre.

Don Juan tomba, comme de raison, à ses genoux, lui dit qu’il lui devait la vie, mais que c’était un présent inutile, puisqu’elle allait le faire mourir d’amour. Dona Teresa était pressée et voulait