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guerre ; une fois déjà, il a empêché toute espèce d’intervention active dans la question d’Orient ; maintenant il vient pour le même objet et afin de chercher à préparer un nouvel arrangement à ces affaires. Au reste, M. de Talleyrand ne demeurera que quelques jours à Paris. Son dessein est d’habiter la campagne ; on croit que Mme de Dino l’accompagnera. On agitera surtout, dans les conférences avec M. de Talleyrand, la question espagnole qui prend une tournure singulière. Nous ne croyons pas que don Carlos réussisse. Dès que la Péninsule ne s’est pas soulevée tout d’abord pour saluer le prétendant ; dès que Burgos, Pampelune et Vittoria n’ont point encore ouvert leurs portes, il est évident que la guerre de la Biscaye, du Guipuscoa et de la Navarre n’est plus qu’une guerre de guérillas qui se prolongera plus ou moins long-temps, mais qui ne peut avoir de succès décisifs à moins qu’elle ne change de nature. Le blocus de fait des côtes d’Espagne a soulevé déjà de vives réclamations de la part du corps diplomatique. Il va bientôt en faire naître de plus sérieuses, car voici ce qui est certain : dix navires hollandais, une frégate à vapeur russe, un certain nombre de bâtimens américains sont partis chargés d’armes et de munitions pour les insurgés espagnols ; seront-ils arrêtés sur la côte ? et, s’ils sont arrêtés, n’est-ce pas là une formelle déclaration de guerre qu’en aucune circonstance ces puissances ne voudront souffrir ? C’est un point du droit des gens qui offrira plus d’une difficulté. — Quand il s’est agi dernièrement d’enlever don Carlos, M. Thiers avait fait déguiser une brigade de sûreté en carlistes espagnols, en soldats de Zumala-Carregny avec des scapulaires et des scopettes bénies ; qu’est-il arrivé ? C’est que la ruse a été découverte, et que M. Thiers en a été pour ses frais de grande invention. La brigade est revenue à Bayonne désappointée et poursuivie par les guérillas navarrois.

Il n’est pas vrai que M. Pozzo ait déclaré qu’il demanderait ses passeports au cas d’une intervention effective ; d’abord il n’a jamais été question officiellement auprès du corps diplomatique d’une telle démarche, et par conséquent personne n’a pu répondre sur une communication qui n’a pas été faite.

Le maréchal Maison écrit de Saint-Pétersbourg qu’il est partout fort bien accueilli, et que l’empereur a pour lui toutes sortes d’égards. Ceci a fait la joie des Tuileries. Mais la manière gracieuse dont le maréchal est reçu à Saint-Pétersbourg tient à plusieurs circonstances personnelles, soit au maréchal Maison, soit à la situation du comte Pozzo di Borgo à Paris. Quand les étrangers arrivèrent à Paris en 1814, le maréchal Maison en était gouverneur ; il eut là occasion de parfaitement accueillir l’empereur Alexandre, et de contribuer de tout son pouvoir à la restauration des Bourbons que souhaitait le czar. Dans ses conférences il connut le grand duc Constantin et son frère Nicolas, fort jeune, qui s’est bien souvenu du bon accueil du maréchal. Il faut ajouter que la préoccupation de l’empereur est en ce moment de séparer la France de l’alliance avec l’Angleterre, et que le meilleur moyen d’arriver à ce résultat est d’accabler de prévenances l’ambassadeur d’une puissance qu’on a frappé jusqu’ici de dédains et d’humiliations. La Russie veut essayer jusqu’à quel point ira