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lorsque les Écossais me changèrent en presbytérien : enfin depuis que Cromwell a paru, j’ai été indépendant. Voilà, je crois, les trois états religieux du pays ; l’existence de l’un d’eux suppose-t-elle celle d’une ame ? Alors j’en ai une, tout au moins. Si mes exécuteurs m’en trouvent une, je la rends à qui me l’a donnée. — Item. J’abandonne mon corps, que je ne puis garder, à ceux qui l’enseveliront ; je ne veux pas qu’on le place sous le porche de l’église ; vivant, j’étais lord ; mort, je ne veux pas être où furent les langes de cet enfant trouvé, devenu seigneur, lord Pride. — Item. Point de monument funèbre ; on y mettrait des épitaphes, et des vers ; et pendant ma vie j’en ai eu par-dessus la tête, — Item. — Je donne ma vénerie au comte de Salisbury : je sais qu’il en aura soin, lui qui a refusé au roi un cerf de ses parcs royaux. — Item. À lord Say, rien : legs qu’il rendra aux pauvres, j’en suis sûr. — Item. À Tom May, cinq shellings : je voulais lui donner davantage ; si vous avez lu son histoire du parlement, vous savez que je lui donne cinq shellings de trop. — Item. Au lieutenant-général Cromwell, une parole entre mes paroles ; car jusqu’à présent il n’en a jamais eu. — Item. Je donne, ou (si l’on veut) je rends l’ame !

(Conforme à l’original.)

Le dernier Pembroke avait une étrange fantaisie ; il feignait d’être sourd ; et faisant semblant de ne rien entendre de ce qu’on lui disait, il échappait à toutes les importunités. Sa famille ne pouvait rien obtenir de lui. Il avait un vieux serviteur auquel il tenait beaucoup, que sa maison détestait, et qui s’enivrait souvent. Toutes les fois que lady Pembroke disait à son mari : Renvoyez donc cet ivrogne ? — Le mari répondait :

— Oui, c’est vrai, c’est un excellent serviteur.

— Mais il est toujours ivre ?

— Vous avez raison ; voici bientôt trente ans qu’il vit avec moi, et vraiment il serait cruel de ne pas lui pardonner ses torts.

Un soir l’ivrogne versa la voiture de lady Pembroke. La dame revint en fureur :

— Ce misérable nous a versés ; si vous ne le chassez, il nous tuera tous.

— Ah ! diable, ce pauvre John est malade ! Eh bien ! il faut le soigner.