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laires, et il prépare un travail important sur les origines de la langue italienne.

Mais je m’aperçois que je ne parle que d’ouvrages inédits ou en projet, et que je n’ai rien dit encore des ouvrages publiés. Il est temps d’y penser.

Comme artiste, Manzoni a fourni une triple carrière, passant de l’ode au drame, du drame au roman. Pour me conformer à l’ordre chronologique, je devrais commencer par l’ode, puisque Manzoni a commencé par là ; mais ses poésies lyriques se liant plus étroitement à son système religieux, elles me serviront de transition naturelle pour aller du poète au philosophe, au théologien si l’on veut, car Manzoni a fait acte de théologie ; je les mets donc en réserve pour plus tard.

Comme poète dramatique, Manzoni relève de Goethe ; comme romancier, de Walter Scott, c’est-à-dire qu’il a brisé le vieux moule classique et jeté la littérature italienne dans la forme nouvelle dite romantique, dénomination, comme on sait, qui ne veut rien dire. À lui pourtant n’appartient pas l’initiative de la réforme ; le premier à jeter le gant au caduc aréopage du Parnasse enfumé fut Berchet. Traducteur du Féroce Chasseur et de la Lénore de Bürger, il publia en tête une lettre en faveur du romantisme, bluette légère plus spirituelle que concluante, quoique vraie au fond. Ce fut le signal de la mêlée, elle fut terrible. Les rages classiques des vénérables pensionnaires du palais Mazarin sont des aménités auprès des vociférations des Baour d’Ausonie. La littérature tout entière entra dans la querelle, et les deux armées se retranchèrent bientôt chacune dans son camp ; le romantisme se campa dans le Conciliateur, journal à la fois scientifique et littéraire, le classicisme, mot barbare ! dans la Bibliothèque italienne, revue austro-milanaise.

Je fais grâce des détails. On échangea de part et d’autre force argumens, force absurdités, force injures ; mais tout s’était borné encore à ces coups de fronde et de bélier, le parti destructeur n’avait rien fondé ; c’est alors que le Carmagnola de Manzoni tomba dans la mêlée[1]. Grande fut la rumeur. Le camp romantique

  1. 1820.