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POÈTES ET ROMANCIERS DE L’ITALIE.

l’oser accepter, les faibles se rejettent en arrière, et cherchant pour refuge et pour abri quelque lambeau du passé, chacun saisit son épave dans ce grand naufrage. Les uns gagnent tout d’un vol les sommets du Golgotha et embrassent en gémissant la croix muette du charpentier ; les autres, et ceux-ci sont les plus faibles, s’arrêtent au Vatican et se cachent, tremblans, dans les plis de ta pourpre, ô vieillard caduc et solitaire, défaillant gardien des tabernacles abandonnés !

Les forts seuls tiennent bon dans cette laborieuse attente ; seuls ils ne regimbent pas contre les aiguillons. Appuyés sur la tradition, éclairés par la science, ils veulent ce que Dieu veut, comme dit le poète, car ils savent que ce qui doit être sera, et le plus noble emploi de la liberté humaine est la soumission volontaire aux lois éternelles. Ils s’y soumettent donc et travaillent chacun sur sa ligne à en hâter l’accomplissement. La phalange est petite, mais ils agiront plus d’ensemble. Les yeux sur l’avenir, ils montent l’âpre sentier, sentier si rude et si plein d’épines, qu’il y a quelque gloire à ne pas rompre. Et si la défection les contriste et les décime, si l’insulte et la calomnie montent vers eux du sein des boues qu’ils dédaignent, ils prennent en pitié les transfuges, en mépris les outrages, et ils se fortifient par la contemplation du juste et du beau. Religieux apôtres de la démocratie, ils savent en qui ils espèrent et peuvent rendre compte de leur foi ; ils combattent le bon combat, ils le combattront jusqu’au bout, car il est écrit que ceux qui persévéreront jusqu’à la fin seront sauvés.

Charles Didier.