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REVUE DES DEUX MONDES.

d’esprit, et je m’en aperçois bien sitôt que je veux dire quelque chose. Les belles dames savent leur affaire, selon qu’on leur baise la main droite ou la main gauche ; leurs pères les embrassent sur le front, leurs frères sur la joue, leurs amoureux sur les lèvres ; moi, tout le monde m’embrasse sur les deux joues, et cela me chagrine.

PERDICAN.

Que tu es jolie, mon enfant !

ROSETTE.

Il ne faut pas non plus vous fâcher pour cela. Comme vous paraissez triste ce matin ! Votre mariage est donc manqué ?

PERDICAN.

Les paysans de ton village se souviennent de m’avoir aimé ; les chiens de la basse-cour et les arbres du bois s’en souviennent aussi ; mais Camille ne s’en souvient pas. Et toi, Rosette, à quand le mariage ?

ROSETTE.

Ne parlons pas de cela, voulez-vous ? parlons du temps qu’il fait, de ces fleurs que voilà, de vos chevaux et de mes bonnets.

PERDICAN.

De tout ce qui te plaira, de tout ce qui peut passer sur tes lèvres sans leur ôter ce sourire céleste, que je respecte plus que ma vie.

(Il l’embrasse.)
ROSETTE.

Vous respectez mon sourire, mais vous ne respectez guère mes lèvres, à ce qu’il me semble. Regardez donc ; voilà une goutte de pluie qui me tombe sur la main, et cependant le ciel est pur.

PERDICAN.

Pardonne-moi.

ROSETTE.

Que vous ai-je fait pour que vous pleuriez ?

(Ils sortent.)



Scène iv.


Au château.


Entrent maître BLAZIUS et le BARON.
MAÎTRE BLAZIUS.

Seigneur, j’ai une chose singulière à vous dire. Tout-à-l’heure j’étais par hasard dans l’office, je veux dire dans la galerie ; qu’aurais-je été faire