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gré sa philosophie pédantesque ; mais j’avoue que je reviens plus souvent au consul Maillet, parce qu’il a de la bonhomie, et qu’il mêle à ses descriptions des contes qui me divertissent.

Vous devez bien penser que nous n’oublions pas Hérodote, et que le père de l’histoire ne nous a point quittés dans nos courses ; son livre intitulé Euterpe est moins un récit historique qu’une relation de voyage. C’est au vieil Hérodote que nous faisons toutes nos questions sur les merveilles de l’ancienne Égypte ; il nous impatiente quelquefois par ses réticences, par ses scrupules ; il y a une foule de choses qu’il sait très bien, qu’il a vues de ses propres yeux, et qu’il n’ose pas nous dire ; il se fait surtout un scrupule de parler de la religion des Égyptiens, et par respect pour les dieux, il nous cache la vérité ; mais s’il y a des lacunes dans ses récits, je suis du moins plein de confiance pour ce qu’il nous rapporte, et j’aime mieux, à tout prendre, un historien qui en sait plus qu’il n’en dit, que tant d’autres qui en disent plus qu’ils n’en savent. J’ai interrogé le bon Hérodote sur la formation du Delta, dont nous côtoyons maintenant les rivages ; cette riche province, nous dit-il, n’était qu’un vaste marécage au tems du roi Ménés ; l’Égypte n’allait pas plus loin que le lac Méris ; le Delta, formé par les alluvions, fut un présent du Nil. Telle est l’opinion que le père de l’histoire trouva établie parmi les Égyptiens ; cette opinion adoptée par les savans modernes, nous explique la construction successive de Thèbes, de Memphis, de Saïs, d’Alexandrie ; à mesure que le pays s’agrandissait vers la mer, la capitale changeait de place ; le peuple égyptien avec ses rois, ses palais et ses temples, semblait descendre le Nil pour prendre possession des provinces que le fleuve avait créées dans son cours : on ne peut donner une plus grande idée des bienfaits du Nil.

Nous avons dans notre petite bibliothèque le Discours sur l’Histoire universelle de Bossuet ; j’ai voulu relire son chapitre sur l’Égypte. Il semble qu’on relise un ancien, car tel est le privilége du génie, qu’il est le contemporain de tous les âges, et qu’il inspire le même respect que les grandes ruines de l’antiquité. C’est dans l’histoire de Bossuet que l’Égypte se montre dans toute sa grandeur, et qu’on croit la voir telle qu’elle était au temps des Pharaons ; le génie de l’historien se plaît à la description de cette terre