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ON NE BADINE PAS AVEC L’AMOUR.

Vous n’êtes point un libertin, et je crois que votre cœur a de la probité. Vous avez dû inspirer l’amour, car vous le méritez, et vous ne vous seriez pas livré à un caprice. Répondez-moi, je vous en prie.

PERDICAN.

Ma foi, je ne m’en souviens pas.

CAMILLE.

Connaissez-vous un homme qui n’ait aimé qu’une femme ?

PERDICAN.

Il y en a certainement.

CAMILLE.

Est-ce un de vos amis ? Dites-moi son nom.

PERDICAN.

Je n’ai pas de nom à vous dire ; mais je crois qu’il y a des hommes capables de n’aimer qu’une fois.

CAMILLE.

Combien de fois un honnête homme peut-il aimer ?

PERDICAN.

Veux-tu me faire réciter une litanie, ou récites-tu toi-même un catéchisme ?

CAMILLE.

Je voudrais m’instruire, et savoir si j’ai tort ou raison de me faire religieuse. Si je vous épousais, ne devriez-vous pas répondre avec franchise à toutes mes questions, et me montrer votre cœur à nu ? Je vous estime beaucoup, et je vous crois, par votre éducation et par votre nature, supérieur à beaucoup d’autres hommes. Je suis fâchée que vous ne vous souveniez plus de ce que je vous demande ; peut-être en vous connaissant mieux, je m’enhardirais.

PERDICAN.

Où veux-tu en venir ? parle ; je répondrai.

CAMILLE.

Répondez donc à ma première question. Ai-je raison de rester au couvent ?

PERDICAN.

Non.

CAMILLE.

Je ferais donc mieux de vous épouser ?

PERDICAN.

Oui.