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POÈTES ET PHILOSOPHES MODERNES DE LA FRANCE.

certain, des personnages introduits ailleurs par M. Ballanche. Jusque dans ses conceptions en apparence les plus arbitraires, il y a des divinations historiques pénétrantes.

En 1820, M. Ballanche fit une grande maladie pendant laquelle plusieurs des symptômes antérieurs, tels qu’ils sont décrits dans Hébal, se reproduisirent ; mais au sortir de cette nouvelle crise, son organisation fut comme un instrument plus complet et plus monté aux vastes œuvres ; il mit encore davantage son ame et sa substance intime dans chacune de ses pensées. Durant un séjour qu’il fit à Rome en 1824, dans la même compagnie d’élite qu’autrefois, il eut conscience de l’antique cité latine, du droit patricien et de cette époque incertaine dont il a cherché, dans la Formule générale, à reconquérir le sens sur Tite-Live. Ses projets de travaux s’élargirent, se fixèrent et prirent, par leur structure imposante, quelque chose de ces grandes lignes romaines des monumens et des horizons. Le plan, dès lors arrêté, de sa Palingénésie consista en trois poèmes ou épopées : 1o  il résolut de faire pénétrer le génie historique, tel qu’il le sentait, dans la région qui précède l’histoire. Son Orphée dut résumer les quinze siècles de l’humanité qui, en dehors du cercle de nos traditions religieuses, sont placés en avant des temps historiques : Orphée dut être une espèce de Genèse du haut paganisme. 2o  Si M. Ballanche enfermait toute l’humanité, extérieure aux Hébreux et antérieure à l’histoire, dans cette composition mythique d’Orphée, il songeait en même temps à enfermer l’histoire positive dans une Formule générale : les cinq premiers siècles de l’histoire romaine lui parurent se prêter excellemment à ce dessein, en ce qu’historiques par la gloire des noms, ils sont couverts de vapeurs transparentes et crépusculaires, et en ce que l’évolution s’y accomplit dans une gradation distincte et toute dramatique. Le plébéien romain, type, pour M. Ballanche, de l’homme qui se fait lui-même, lui représentait par les trois sécessions la masse de l’humanité conquérant successivement la conscience ou le sentiment de soi, la pudicité ou le mariage légal, et enfin la dignité ou l’aptitude aux magistratures dans les divers ordres. 3o  Quant à l’avenir qui suit cette émancipation et à la perspective future et finale des destinées humaines sur la terre, ce devait être un des objets, un des pressentimens de la Ville des Ex-