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ON NE BADINE PAS AVEC L’AMOUR.

CAMILLE.

Faites-le appeler, et dites-lui nettement que ce mariage vous déplaît. Croyez-moi, c’est une folie, et il ne résistera pas.

LE BARON.

Je serai vêtu de noir cet hiver, tenez-le pour assuré.

CAMILLE.

Mais parlez-lui, au nom du ciel. C’est un coup de tête qu’il a fait ; peut-être n’est-il déjà plus temps ; s’il en a parlé, il le fera.

LE BARON.

Je vais m’enfermer pour m’abandonner à la douleur. Dites-lui, s’il me demande, que je suis enfermé, et que je m’abandonne à ma douleur de le voir épouser une fille sans nom. (Il sort.)

CAMILLE.

Ne trouverai-je pas ici un homme de cœur ? En vérité, quand on en cherche, on est effrayé de sa solitude.


Entre Perdican.

Eh bien ! cousin, à quand le mariage ?

PERDICAN.

Le plus tôt possible ; j’ai déjà parlé au notaire, au curé, et à tous les paysans.

CAMILLE.

Vous comptez donc réellement que vous épouserez Rosette ?

PERDICAN.

Assurément.

CAMILLE.

Qu’en dira votre père ?

PERDICAN.

Tout ce qu’il voudra ; il me plaît d’épouser cette fille ; c’est une idée que je vous dois, et je m’y tiens. Faut-il vous répéter les lieux communs les plus rebattus sur sa naissance et sur la mienne ? Elle est jeune et jolie, et elle m’aime. C’est plus qu’il n’en faut pour être trois fois heureux. Qu’elle ait de l’esprit ou qu’elle n’en ait pas, j’aurais pu trouver pire. On criera et on raillera ; je m’en lave les mains.

CAMILLE.

Il n’y a rien là de risible ; vous faites très bien de l’épouser. Mais je suis fâchée pour vous d’une chose : c’est qu’on dira que vous l’avez fait par dépit.

PERDICAN.

Vous êtes fâchée de cela ? Oh ! que non !