Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 3.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
REVUE DES DEUX MONDES.

CAMILLE.

Si, j’en suis vraiment fâchée pour vous. Cela fait du tort à un jeune homme, de ne pouvoir résister à un moment de dépit.

PERDICAN.

Soyez-en donc fâchée ; quant à moi, cela m’est bien égal.

CAMILLE.

Mais vous n’y pensez pas ; c’est une fille de rien.

PERDICAN.

Elle sera donc de quelque chose, lorsqu’elle sera ma femme.

CAMILLE.

Elle vous ennuiera avant que le notaire ait mis son habit neuf et ses souliers pour venir ici ; le cœur vous lèvera au repas de noces, et le soir de la fête, vous lui ferez couper les mains et les pieds, comme dans les contes arabes, parce qu’elle sentira le ragoût.

PERDICAN.

Vous verrez que non. Vous ne me connaissez pas ; quand une femme est douce et sensible, franche, bonne et belle, je suis capable de me contenter de cela, oui, en vérité, jusqu’à ne pas me soucier de savoir si elle parle latin.

CAMILLE.

Il est à regretter qu’on ait dépensé tant d’argent pour vous l’apprendre ; c’est trois mille écus de perdus.

PERDICAN.

Oui, on aurait mieux fait de les donner aux pauvres.

CAMILLE.

Ce sera vous qui vous en chargerez, du moins pour les pauvres d’esprit.

PERDICAN.

Et ils me donneront en échange le royaume des cieux, car il est à eux.

CAMILLE.

Combien de temps durera cette plaisanterie ?

PERDICAN.

Quelle plaisanterie ?

CAMILLE.

Votre mariage avec Rosette.

PERDICAN.

Bien peu de temps ; Dieu n’a pas fait de l’homme une œuvre de durée ; trente ou quarante ans, tout au plus.