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L’ARÉTIN.

nom d’Arétine, parce que le pape Clément vii m’en a donné un de ce genre. Je l’ai donné à mon tour au duc Frédéric. Le ruisseau qui baigne un côté de cette maison habitée par moi, est devenue le Rio Aretino. Mes femmes veulent être appelées les Arétines. Enfin on dit stilo Aretino, le style de l’Arétin. » — Que les pédans crèvent de rage, et qu’ils essaient d’arriver là, en répétant et ânonnant : Janua sum rudibus ![1] »

« Bref, depuis que j’ai cherché asile sous l’égide de la grandeur et de la liberté vénitiennes, je n’ai rien à envier à personne ; et le souffle de l’envie, ni le nuage de la malice n’ont pu atteindre ma renommée, ou diminuer le train de ma maison ! »

Très bien, Arétin ; montez dans cette gondole qui vous attend, et où se trouve déjà votre page nègre, vêtu de soie blanche. Tout-à-l’heure, nous saurons qui vous êtes.


On ne peut expliquer la situation et la fortune de cet homme que par la situation et la fortune de l’Italie pendant qu’il vécut. Il était né en 1492, dans l’hôpital de la petite ville d’Arezzo. Tita, sa mère, exerçait cet honnête et facile métier qu’il estima et révéra toujours, sans doute par souvenir de famille et par piété filiale ; c’est du moins ce que lui reprochent Nicolo Franco, son élève, le Dolce, son ennemi, et le Doni, qui ne le détestait pas moins. Je ne sais pourquoi le savant Mazzuchelli et Ginguené ont repoussé cette tradition qui semble probable ; l’Arétin lui-même, dans plusieurs lettres[2] et dans quelques sonnets, ne se fâche pas d’une telle accusation. Il se moque beaucoup de ceux qui redoutent l’infamie maternelle (l’infamia materna)[3] ; « comme si, dit-il, il ne nous était pas libre d’ennoblir notre berceau. » Il avoue qu’il a vu le jour dans un hôpital (nello spedale). Il ajoute que son ame est celle d’un roi. Son peu d’empressement à légitimer ses filles et sa constante vénération pour les courtisanes semblent prouver qu’il tenait de race.

  1. Lett., t. 1, p. 80.
  2. Lettres de l’Arétin, passim.
  3. T. 1, 67, t. 3, 109, t. 6, 261.