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vouliez-vous de plus ? Monsieur l’administrateur en chef des lignes télégraphiques ne vous a-t-il pas conté fidèlement, minute pour minute, l’histoire de la transmission et de l’expédition de ses dépêches curieuses ? Le télégraphe s’est conduit fort loyalement ; la chose est évidente. Il a fait ses signaux avec une honnêteté exemplaire ; c’est incontestable. Après cela, est-ce sa faute si, par l’extrême chaleur d’un trentième jour du mois de septembre, il s’est un peu lassé vers dix heures et a croisé ses grands bras jusqu’à midi ? Est-ce sa faute si d’invisibles courriers à cheval, des courriers espagnols, sans doute plus aguerris que lui aux ardeurs du soleil d’automne, l’ont vaincu de vitesse et ont apporté avant lui à la Bourse l’annulation de l’emprunt Guebhard ? Non, en vérité.

Aussi, que pouvait-on répondre à une pareille argumentation ? On n’a rien répondu, on n’a rien dit, on n’en a pas moins pensé. M. Thiers et consorts estiment peut-être qu’ils sont encore sortis blancs comme neige de cette affaire. C’est tant mieux ou tant pis pour eux. Il y a nombre d’honnêtes gens qui estiment le contraire et qui auraient sincèrement souhaité que l’honneur de l’administration obtînt de l’opinion un autre verdict d’acquittement.

C’est que c’est chose triste en effet pour le pays que ces graves soupçons qui reviennent sans cesse et à toute occasion planer sur la tête des hommes du pouvoir. Qu’on y prenne garde ! Ce ne sont point ici des déclamations vagues et passionnées dont nous nous rendons l’écho. Il ne s’agit point de quereller le ministère sur ses systèmes politiques, et de considérer où il en est de l’exécution de son plan d’amortissement de la liberté de juillet. Ceci est plus sérieux assurément et plus à méditer. Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’en France, ainsi qu’au dehors, on s’en prend aux dépositaires de l’autorité constitutionnelle, et qu’on les bat violemment en brèche ; mais nulle part et en aucun temps vous n’avez vu, comme nous le voyons chez nous aujourd’hui, leur probité matérielle mise en doute et leurs actes privés et personnels devenus contre eux une raison de guerre constante et principale. Walpole lui-même, ce grand corrupteur, séduisait bien et achetait les hommes au profit de ses déceptions représentatives ; mais jamais il ne fut dit qu’il se servait du pouvoir pour spéculer à son profit et s’engraisser d’or. Sous la restauration, M. de Villèle, qui corrompait aussi de son mieux, quoique plus médiocrement, n’a jamais été aussi durement traité par l’opinion, et n’a jamais été forcé de s’expliquer si humblement avec les courtiers de Bourse. Ce sera aux chambres qui vont s’assembler en janvier, de juger péremptoirement si nos ministres se sont lavés suffisamment de ce dernier grief si souvent élevé déjà contre eux, et ravivé, durant cette quinzaine, avec tant de probabilités de justice