Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/260

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
256
REVUE DES DEUX MONDES.

dans ses livres, dans ses doctrines ? Adam Smith, chez elle, est venu avant J.-B. Say chez nous.

Ce que l’Angleterre attend de la réforme commerciale, elle ne le cache pas, pas plus que ne le dissimulent en France les partisans de cette réforme. Elle est assurée qu’il en doit résulter pour elle un notable agrandissement de son industrie et de son commerce, qu’elle en doit obtenir des débouchés plus étendus de ses produits chez les autres nations ; mais l’Angleterre sait bien, et c’est là tout le fondement de la réforme commerciale, qu’elle ne peut accroître ses ventes sur les marchés étrangers sans y augmenter ses achats.

Enfin ce pays, en raison même de l’extension de ses affaires et de l’intelligente habileté qu’il y applique, se rend compte de l’influence qu’elles exercent sur les alliances des peuples, et sa politique industrielle s’accorde ainsi merveilleusement avec sa diplomatie. Dans l’agrandissement des relations commerciales entre deux nations, l’Angleterre sait que se trouve l’affermissement de leurs relations politiques ; aussi la voit-on faire de la propagande d’économie politique dans les pays dont elle recherche le plus l’alliance. Il est évident qu’elle s’inquiète plus de modifications au tarif français qu’au tarif russe.

En somme, dans sa réforme économique et dans les doctrines qu’elle répand à cet égard, l’Angleterre suit la ligne de ses intérêts, cela est évident ; mais agit-elle dans sa réforme politique par un autre motif ? Si, là aussi, elle obéit à son intérêt, comment les mêmes hommes qui professent tant de sympathie pour sa réforme politique, et y voient plus qu’un évènement anglais, montrent-ils tant d’indifférence ou de dédain de sa réforme économique ? Laudateurs de l’une et détracteurs de l’autre, de quelle doctrine politique ou morale déduisent-ils des jugemens si divers sur ces deux effets solidaires et simultanés d’une même cause ?

Ainsi, nous tous, partisans de la liberté commerciale, si nous sommes dupes de l’Angleterre, on voit que ce n’est pas à demi ; ce n’est pas l’entraînement libéral, ou une creuse philantropie qui nous pousse dans la même ligne qu’elle ; nous voyons bien, nous sommes pleinement convaincus que l’Angleterre marche dans la voie de ses intérêts. Mais à cette conviction s’ajoute pour nous la conviction que la manière dont l’Angleterre entend ses intérêts, est précisément celle dont la France, dont toute nation devrait comprendre les siens. Les intérêts de l’Angleterre aujourd’hui se trouvent du côté du progrès ; c’est pourquoi nous sommes avec elle, et remarquez bien que si les doctrines de la réforme commerciale commencent à pénétrer si vite dans les masses, ce n’est pas que les théories économiques leur soient