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LETTRE SUR LA PALESTINE.

ville pour son quartier-général dans la Palestine. J’ai vu, au nord de Gaza, à une heure de distance, les vallons étroits et les collines de sable où s’arrêta la troupe aventureuse des comtes de Bar et de Montfort ; je me suis enfoncé dans le sable jusqu’aux genoux, pour reconnaître le lieu où les chevaliers insoucians et joyeux mangiaient le pain, les galines et chapons, la chair cuite et le fromage, à quelques pas d’un ennemi treize fois plus nombreux. Si la troupe française fut restée sur ces hauteurs qui présentent en quelques endroits comme des défilés, la victoire eût pu rester incertaine ; mais les imprudens chevaliers se laissèrent attirer dans la plaine, et des merveilles d’armes ne purent les sauver de la servitude ou de la mort. Cinq ans plus tard, les chrétiens, unis aux musulmans, attaquèrent les Karismiens aux environs de Gaza ; les premiers marchaient sous les ordres de Gauthier de Brienne ; les seconds avaient pour chef Malek-Mansour, prince d’Emesse. La bataille fut des plus sanglantes ; les guerriers de la croix y déployèrent leur bravoure accoutumée, et sans la retraite du prince Malek-Mansour, la chrétienté n’eût pas eu à déplorer le trépas de douze mille chrétiens et la captivité de Gauthier de Brienne. Les chroniques n’indiquent point le lieu de la bataille ; ce dut être à l’est de Gaza, dans les plaines voisines de la cité.

Je vous ai dit que la principale mosquée de Gaza est le seul monument chrétien appartenant à la ville du moyen-âge, et qu’il ne reste aucune ruine, aucun vestige qui parle de l’ancienne occupation latine. Les antiquaires n’ont rien à faire à Gaza ; tout y est moderne et d’origine musulmane. L’enceinte de la ville offre autant de palmiers que de maisons ; tout autour croissent aussi des palmiers mêlés aux nopals et aux sycomores. À travers cette enceinte boisée, vous rencontrez des fontaines, des oratoires de santons, des mosquées, des caravansérails ; tout me semble égyptien à Gaza, les habitudes, les costumes, les productions, la couleur du sol ; il semble qu’en montant sur une terrasse on va découvrir Alexandrie ou le Caire ; on sent l’Égypte, on entre dans ses monotones et vastes plaines. Le Tasse a deviné Gaza quand il a dit :


Gaza è città, della Giudea nel fine,
Su quella via ch’inver Pelusio mena
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