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L’autre s’exprime plus vaguement : parlant d’un monastère de l’ordre de saint Benoît, situé dans les gorges de l’Apennin, au voisinage de San Benedetto in Alpe, il le désigne comme le monastère où notre poète avait résolu de mener la vie religieuse.

Ces témoignages ne laissent guère de doute sur la résolution où Dante fut un moment de se faire moine : il est seulement difficile de mettre une date à cette résolution. Il y eut, dans sa vie, tant de circonstances où il put se figurer comme un bien suprême le calme et l’obscurité d’un cloître ! Je vois toutefois plus de vraisemblance à rapporter le projet indiqué à sa jeunesse, qu’à toute autre période de sa carrière.

Quoi qu’il en soit, Dante ne se fit pas moine ; et c’est à la guerre, c’est à la fameuse bataille de Campaldino ou de Certomondo qu’on le voit pour la première fois, âgé déjà de vingt-cinq ans, agir comme citoyen de Florence.

Parmi tant de batailles gagnées et perdues par les Gibelins et les Guelfes, celle de Certomondo fut une des plus mémorables par l’importance de ses résultats et la variété singulière de ses incidens. Mais il n’entre point dans mon plan de la décrire : je me bornerai à en rapporter isolément quelques particularités par lesquelles elle tient à mon sujet.

Arezzo était une des deux ou trois villes de la Toscane où dominait le parti gibelin, et partant l’une de celles contre lesquelles les Florentins chefs du parti guelfe, avaient le plus souvent à guerroyer. Au printemps de 1289, ils envahirent le Casentino, la partie montagneuse du domaine d’Arezzo, dans le val d’Arno supérieur. Les Arnetins s’avancèrent aussitôt contre eux, et les deux armées se rencontrèrent sur la rive gauche de l’Arno, entre Bibbiena et Certomondo. Celle des Florentins était de 12,000 fantassins et de 2,000 cavaliers ; celle d’Arezzo ne passait pas 8,000 hommes de pied et 900 chevaux. Elle n’en demanda pas moins courageusement la bataille, et fut même sur le point de la gagner ; elle la perdit, faute de discipline, plutôt que de bravoure ; mais enfin elle la perdit, et sa déroute fut complète : elle eut 3,000 hommes tués sur la place et 2,000 prisonniers. Les deux chefs qui la commandaient, l’archevêque d’Arezzo et Buon Conte de Montefeltro, homme de guerre alors renommé, y périrent tous les deux ; et il y eut, dans le malheur de ce dernier, une particularité qui fit du bruit : après avoir cherché long-temps son cadavre parmi les morts, on ne le trouva point, de sorte que chacun put expliquer à sa manière une disparition qui semblait tenir du prodige.

Au nombre des traits remarquables par lesquels les Florentins se distinguèrent dans cette bataille, je crois pouvoir en citer un. L’usage était, parmi les armées des républiques italiennes, de désigner, au mo-