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Dante.

De ce nombre sont plusieurs ambassades auprès du roi de Naples, une, entre autres, pour réclamer la grâce et la liberté d’un Florentin condamné à mort par la justice du pays ; telle est encore une ambassade à Sienne, pour terminer un différend relatif aux confins du territoire de cette république et de celui de Florence. Enfin, au mois de mai 1299, il fut envoyé à Saint-Gemignano pour solliciter la confirmation du choix déjà fait d’un capitaine de la ligue toscane.

Je pourrais indiquer quelques autres missions plus ou moins importantes, qui furent, comme les précédentes, confiées à notre poète, et même entrer dans quelques détails sur plus d’une ; mais j’aime mieux aborder tout de suite la partie austère de la vie publique de Dante, à l’époque où son histoire se confond avec celle de son pays. C’est ici que ma tâche va devenir plus difficile. Il s’agit de faire connaître des évènemens compliqués et obscurs qui n’ont jamais été nettement ni complètement exposés.

L’année 1299, la veille du xive siècle, était aussi, pour Florence, la veille de troubles violens et d’horribles calamités. Le parti gibelin était plus que vaincu, il était anéanti ; ses chefs étaient dispersés dans l’exil, et ses adhérens avaient fini par détacher de lui leurs espérances et leurs moyens. Les Guelfes victorieux dominaient sans opposition depuis plus de trente ans, et l’avenir semblait leur appartenir tout entier.

Il y avait dans ces apparences quelque chose d’équivoque et de trompeur. Aussi long-temps que les Guelfes avaient eu à lutter contre des adversaires redoutables, leur parti avait semblé uni, compacte, homogène. Mais il était au fond composé de groupes divers, ayant chacun, sur certaines choses, des vues et des sentimens opposés. Cette opposition devait se manifester et se manifesta dès l’instant où ces groupes, n’étant plus ralliés par la crainte d’un ennemi commun, purent agir chacun dans sa direction propre et pour son intérêt personnel.

Parmi ces groupes qui tous se disaient guelfes, et qui tous voulaient et croyaient l’être, on en distinguait aisément deux entre lesquels se partageaient tous les autres. L’un était celui des Guelfes aristocratiques, qui auraient voulu mettre un terme au progrès du pouvoir populaire et maintenir la noblesse au point où elle se trouvait alors. L’autre était celui des Guelfes populaires, qui, dominés pas les influences de la démocratie, y cédaient par conviction ou par faiblesse. C’était l’ancienne lutte entre les castes féodales créées par l’invasion et la conquête, et les anciennes populations du pays, qui était sur le point de recommencer, et d’être poursuivie sous des noms nouveaux, et compliquée de haines et de pas-