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sions nouvelles. Il y avait alors des ordonnances de justice qui étaient comme un glaive incessamment suspendu sur la tête des nobles. En 1295, ceux-ci se concertèrent et prirent les armes, pour obtenir de force l’abolition des ordonnances démocratiques. Mais le peuple s’arma de son côté pour les défendre, et fit si bonne contenance, que les nobles se retirèrent sans avoir osé combattre et sans avoir rien obtenu.

À dater de cet échec, la portion aristocratique du parti guelfe fut, par le fait, exclue du gouvernement de la république, qui resta tout entier aux guelfes populaires. C’était une scission formelle : ce qui avait fait jusque-là deux moitiés, deux nuances du parti guelfe, fit dès-lors deux factions distinctes, ayant chacune son nom, ses chefs, son drapeau. — Les Guelfes populaires prirent le nom de Blancs ; les autres se nommèrent les Noirs. À la tête de ceux-ci fut la famille des Donati, ayant elle-même pour meneur Corso Donati, homme de résolution et de capacité, dont le caractère était une expression fidèle de son parti. Il était peu riche, mais d’ancienne et noble race, brave, turbulent, d’humeur chevaleresque ; avec tout cela fier et hautain, plus disposé à dédaigner qu’à mendier les suffrages populaires. On le nommait le Baron : c’était comme si l’on eût dit le modèle, l’idéal du gentilhomme.

Le parti des Blancs eut pour chef Vieri de’ Cerchi, le même dont j’ai cité un trait de magnanimité à la bataille de Certomondo. Si ce n’est peut-être en bravoure et en ambition, Vieri était en toute chose l’opposé de Corso Donati ; mais il représentait également bien son parti. Il était de race plébéienne, et avait amassé par le commerce une fortune immense, dont il dépensait une bonne portion à se créer des partisans et des amis, outre ceux qu’il se faisait par la douceur et la popularité de ses manières.

Cette décomposition du parti guelfe entraîna la division de la masse entière de la population de Florence. À peine y eut-il quelques chefs de famille qui n’entrèrent pas dans l’une ou l’autre des deux factions nouvelles, signe certain qu’il s’agissait, pour chacune, d’un intérêt vivement senti.

Quant à l’époque où ces deux factions commencèrent à être distinguées par les noms de Blancs et de Noirs, il serait difficile de la marquer avec précision. Mais assez peu importe la date du nom ; celle du fait est beaucoup plus intéressante, et peut être indiquée avec exactitude : ce fut en 1294 qu’eut lieu à Florence, et dans quelques autres villes de la Toscane, la grande scission du parti guelfe.

De 1294 à 1500, le gouvernement des Blancs de Florence se signala par