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POÉSIES POPULAIRES DE LA BASSE-BRETAGNE.

« Et la voix répéta encore :

Hunc mundum miserum relinque,
Hunc mundum miserum relinque.

« Dieu ! Dieu ! est-ce bien votre voix qui m’appelle, moi, plein d’iniquités ?

« Si c’est votre voix, je ferai votre volonté ; je laisserai tout de côté pour vous.

« Et la voix répéta encore :

Amice, sequere me,
Et habebis lumen vitæ.

« Oui, mon Dieu ! je vous suivrai jusqu’à l’heure de la mort. Je vous aimerai de toute la profondeur de mon cœur. Mais il faut auparavant, mon Dieu, que j’aille prendre congé de la plus belle jeune fille qui soit sous votre ciel ; il faut que j’aille briser son cœur.

« Et ma maîtresse jolie disait à ses compagnes en me voyant venir : — Savoir ce qu’il y a de nouveau ; je vois venir mon doux ami, et son cœur est chagrin ; savoir ce qu’il y a de nouveau ? »

Elle ne tarde pas à le savoir ; la séparation s’accomplit au milieu des larmes.

« Ma maîtresse jolie pleurait, et moi… je pleurais aussi, tout éperdu d’amour !

« Et voilà les plaisirs du monde, ils passent comme un fantôme, et encore, où ils ont passé, ils laissent leur fiel aux lèvres de ceux qui ont aimé !

« Adieu ! vie mauvaise et méchante, je ne puis plus te regretter, car tu as été trop lourde à mon cœur ! »

Ici finit la première partie du poème. Le chant qui suit prend le cloarec au milieu de ses études ecclésiastiques et déterminé à accomplir son sacrifice. Retiré de la vie, il s’est enfermé dans sa mansarde avec une de ces belles tristesses que jette dans l’ame l’accomplissement d’un devoir, et qui sont plus saines que les joies les plus intimes. Il sait qu’il y a par le monde une jeune fille que son nom fait tressaillir, une veuve de cœur qui garde son anneau d’al-