bas-relief, découverte après sa mort du voile qui la couvre, sera sur sa tombe un digne monument.
Mais ces Mémoires, que M. de Châteaubriand nous prépare, se seront-ils bien souvenus de toute sa vie ? Y retrouverons-nous tout ce qu’en ses intimes causeries il répandait de mots chaleureux et passionnés et d’involontaire poésie ? N’y aura-t-il rien oublié de lui-même, rien surtout de tout ce qui l’honore et le glorifie ? Ces incertitudes nous préoccuperaient davantage, n’était l’espoir des corollaires qui ne manqueront pas de venir pour compléter le récit et combler le vide de ses réticences. Oui, soyez-en sûrs, plus d’un livre surgira en son temps sous le titre de Conversations de Châteaubriand ; plus d’un Mémorial qui, comme à Byron, lui restituera ce qu’il a semé, en tant de lieux, de son âme et de son génie ; car telle est la fortune de ces hommes ainsi prodigues de leur richesse, que pas une de leurs actions n’est dérobée à leur avenir, pas une de leurs paroles perdue. Observés et admirés qu’ils sont partout de la foule, et suivis, des mains vigilantes vont ramassant toutes ces perles qu’ils laissent insoucieusement tomber à chaque pas, et les rapporteront plus tard au trésor de leur gloire. Le moindre rayon qu’ils auront lancé, recueilli en de fidèles miroirs, sera renvoyé à la face dont il émanait ; et c’est pourquoi plus ces figures prédestinées s’avancent vers la postérité, plus elles apparaissent radieuses, plus s’agrandit et resplendit l’auréole qui les couronne.
Une heureuse chance nous permet de prendre dès aujourd’hui l’initiative de ces précieuses révélations qui abonderont plus tard, touchant l’illustre auteur des Martyrs. Un jeune poète anglais que M. de Châteaubriand, durant son ambassade à Londres, avait fréquemment admis à l’honneur de son intimité, a bien voulu nous communiquer les fragmens d’un journal où sont consignés plusieurs détails ignorés de la vie de notre grand écrivain, qui se rapportent à cette époque de son second séjour en Angleterre, et reproduits non-seulement de ces traits brillans et pittoresques qu’il jetait ouvertement et sans méfiance dans le monde en présence de tous, mais aussi quelques-uns de ces poétiques élans, de ces épanchemens de cœur, auxquels il ne se laissait aller qu’avec plus de réserve en certains cercles plus étroits, et d’un commerce plus resserré.