découvert, la tristesse des serfs et les courts loisirs des manans, théâtre indestructible, qui revit, de nos jours, dans les parades en plein vent de Debureau, théâtre qui serait peu digne de vous occuper, messieurs, s’il ne se trouvait être précisément l’anneau qui unit la scène ancienne à la moderne, et si l’érudition ne pouvait trouver à ces joculatores, à ces delusores, à ces goliardi de nos jours et du moyen-âge, les plus honorables ancêtres dans l’antiquité grecque, latine, osque, étrusque, sicilienne, asiatique, depuis Ésope, le sage bossu phrygien, jusqu’à Maccus, le calabrois jovial et contrefait, héros des farces atellanes, devenu depuis, dans les rues de Naples, par la simple traduction de son nom, le très sémillant seigneur Polichinel.
Ainsi pour suivre dans tous ses développemens l’histoire du théâtre moderne, nous devons ranger les jeux scéniques en trois classes, et, comme je disais tout à l’heure, en trois familles, dont nous étudierons séparément les origines. 1o le théâtre religieux, merveilleux, théocratique, le grand théâtre, qui a eu pour scène au moyen-âge les nefs de Sainte-Sophie, de Sainte-Marie-Majeure, les cathédrales de Strasbourg, de Rouen, de Rheims, de Cambray, les monastères de Corbie, de Saint-Martial, de Gandersheim, de Saint-Alban ; 2o le théâtre seigneurial et royal, qui brilla aux palais des ducs de Provence, de Normandie, de Bretagne et d’Aquitaine, aux donjons des comtes de Champagne, aux châteaux des sires de Coucy, aux fêtes des rois de France et d’Angleterre, à la cour de l’Empereur, aux galas des rois de Sicile et d’Aragon. 3o le théâtre populaire et forain, qu’on vit constamment à de certains jours, s’agiter et s’abattre, à grand renfort de bruit et de gaîté, dans les places de Florence, sur les quais et les canaux de Venise, dans les carrefours de Londres et de Paris.
Ces trois sortes de drames, ecclésiastique, aristocratique et populaire, se retrouvent, comme nous le verrons, dans l’antiquité grecque et romaine. C’est pour ne les y avoir pas peut-être suffisamment distinguées, et pour nous être trop exclusivement bornés à l’examen du théâtre officiel et national, que nous nous trouvons généralement peu préparés à l’intelligence de nos propres origines théâtrales. Je sais fort bien, messieurs, que les habiles professeurs chargés de vous initier aux chefs-d’œuvre des littératures ancien-