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raccommodement. Mais heureusement, ici la femme est une tacticienne habile, plus habile peut-être que je ne le voudrais pour l’équilibre de mon roman. Que fait-elle pour couper court ? elle reprend l’offensive ; elle accuse notre amoureux de refroidissement : l’amour n’inspire plus sa muse comme autrefois. Naïf et plein de candeur, notre bon poète s’exténue-t-il à lui prouver qu’il l’aime plus que jamais, qu’elle ne doit pas se fier à une vaine apparence, la rusée, dès qu’elle le voit sur la défensive, ne s’arrête plus ; elle l’accuse de fausseté, d’inconstance, de trahison ; et alors il faut voir le pauvre amant rechercher à grand’peine la moindre peccadille, et demander grâce avec un repentir et une contrition capables de racheter les plus grands crimes. Ne semble-t-il pas entendre cette pauvre victime des animaux malades de la peste ?


… J’ai souvenance
Qu’en un pré de moines passant,
La faim, l’occasion, l’herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue ;
Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.
À ces mots, on cria haro sur le baudet !


Ici l’analogie cesse : la femme ne voulait que rétablir entre eux la balance ; le raccommodement se fonde plus solide sur des torts réciproques. Alors l’hymne revient ; mais la satire s’y mêle : car si l’amant pardonne à sa maîtresse, le poète garde rancune à ses confrères. De là ce sonnet qui ne manque pas d’actualité, comme on dit aujourd’hui dans un style que je déteste :


Ma maîtresse a des yeux moins vifs que le soleil ;
Son sein, près de la neige, est très brun, je l’avoue ;
J’ai vu bien des œillets panachés, mais sa joue
À ces fleurs rouge et blanc n’a rien qui soit pareil.

Ses lèvres du corail n’ont pas l’éclat vermeil,
Nulle abeille abusée à l’entour ne se joue ;
Vénus, à son aspect, n’a jamais fait la moue ;
Le jour, pour se lever, n’attend pas son réveil.