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Dante.

Dans l’ivresse d’espérance où il était encore alors, Dante ne dut pas être vivement affecté de cette condamnation. Sachant que Henri était en route pour Pise, il se rendit dans cette ville, où étaient déjà réunis tous les Romagnols et tous les Toscans du parti impérial.

L’empereur, arrivé à Pise, s’y arrêta peu : il prit le chemin de Rome, accompagné de la plupart des exilés de tout pays qui étaient venus le joindre. Je passe sous silence les circonstances du voyage et du couronnement de Henri vii. Il suffira de dire, pour constater où en était alors l’autorité des empereurs allemands en Italie, que Henri trouva partout des adversaires, et qu’il lui fallut partout combattre : il lui fallut combattre pour entrer à Rome, combattre pour y avoir un palais où loger, combattre encore pour trouver une église où se faire sacrer. Enfin, à peine couronné, il lui fallut se retirer à la hâte, en fuyard plutôt qu’en souverain.

Au mois d’août 1312, il se trouvait à Arezzo, où il s’arrêta quelques jours pour rallier les troupes avec lesquelles il se proposait de marcher contre Florence. Le 19 septembre suivant, il était sous les murs de cette ville ; mais ses forces ne lui permettant pas de l’assiéger dans les formes, il les concentra sur un seul point, décidé à attendre ce qui arriverait plutôt qu’à tenter quelque chose.

Les circonstances de cette espèce de blocus sont singulières, et caractérisent vivement l’ancien esprit des républiques italiennes. Les Florentins ne crurent pouvoir mieux montrer le peu de cas qu’ils faisaient de l’ennemi, qu’en affectant, en sa présence, toute la sécurité de l’état de paix. Ils ne fermèrent point leurs portes ; ils continuèrent à expédier, à recevoir des marchandises : aucun travail ne fut arrêté. Loin de rien suspendre, on pressa la construction de divers édifices commencés : la famille des Cocchi fit travailler de nuit et aux flambeaux à un palais que l’on bâtissait pour elle.

Comme les forces réunies des Florentins et de leurs alliés étaient fort supérieures à celles de Henri vii, peut-être n’y avait-il pas, dans toutes ces bravades, autant de courage ou de témérité que l’on pourrait l’imaginer d’abord. Mais quoi qu’il en soit, ces bravades réussirent : l’empereur, ayant vainement attendu pendant quarante jours que les Florentins se soumissent à lui, leva son camp, et se retira d’abord à Saint-Casciano, puis à Poggibonzi, châteaux du domaine de Florence, sur la route de Sienne.

Dante n’eut pas la douleur de voir Henri vii se retirer en vaincu de devant Florence. Il n’était point du nombre des exilés florentins qui se trouvaient dans le camp de l’empereur s’attendant à rentrer à sa suite dans