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leurs foyers. Ce n’était pas qu’il fût moins pressé que ceux-ci de revoir la ville natale ; ce n’était pas qu’il eut moins de foi qu’eux au triomphe de Henri vii ; c’était par un motif plus noble, qu’il s’était tenu loin du camp impérial.

Quels que fussent ses ressentimens contre Florence, il ne pouvait oublier qu’il y était né, et que ses ancêtres y avaient leur cendre ; il sentait que, dans aucune autre ville du monde, il ne serait devenu ce qu’il avait la conscience d’être, et par tous ces motifs il aurait cru manquer de gratitude et de respect envers sa noble cité, en y rentrant de force, à la suite d’une armée étrangère ; c’était pour ne point mériter ce blâme, qu’il s’était tenu à l’écart, et comme caché, on ne sait dans quel réduit de la Toscane, durant le blocus de Florence.

Mais, pour revenir à l’empereur, sa situation empirait de jour en jour. La Toscane venait de s’assurer qu’elle était en état de le braver ; la Lombardie avait profité de son absence pour se révolter de nouveau, et le roi de Naples, son principal adversaire, prenait chaque jour plus d’ascendant en Italie.

Ne sachant que faire de mieux, dans cette situation fâcheuse, Henri vii employa l’hiver qu’il passa à Poggibonzi à instruire de stériles procès contre les Florentins chefs du parti guelfe, et à les faire condamner par contumace, comme coupables de rébellion envers l’empire. Il y eut plus de six cents condamnés de la sorte, et qui n’en surent rien, si ce n’est par le bruit public.

De Poggibonzi, Henri vii se rendit à Pise. Il y était le 6 mars 1313, et s’y arrêta plusieurs mois, principalement occupé des préparatifs d’une expédition contre le royaume de Naples, expédition pour laquelle il partit le 7 août. Déjà languissant et dévoré de chagrin, il tomba malade en route, et mourut le 24 août 1313, à Buonconvento, à quelques milles au-delà de Sienne, sur la route de Rome.

La nouvelle de cette mort fut un coup de foudre pour tout le parti gibelin ; mais on pourrait affirmer qu’elle ne fut pour personne aussi douloureuse que pour Dante, qui l’apprit, on ne peut bien dire où, mais probablement en Toscane. Le pauvre exilé, long-temps Guelfe, et désormais Gibelin fanatique, avait, dans cette mort, un grave sujet non seulement de douleur, mais de réflexions. Ses idées enthousiastes sur l’importance et l’excellence de l’autorité impériale des princes allemands sur l’Italie, venaient d’être mises à une rude épreuve.

Non seulement Henri vii s’était trouvé impuissant pour faire aux Italiens un bien réel et durable : il avait été, comme malgré lui, et par la force même des choses, entraîné à leur faire du mal, et à leur