Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
REVUE DES DEUX MONDES.

nous croyons qu’il avait été jeté là malgré lui. Les généraux de la reine marchent mollement et sont désunis comme dans tout gouvernement mal ordonné : on s’accuse de trahisons et de défaites ; il ne s’agit plus d’une insurrection de quelques villages, il y a une armée régulière, de nombreux bataillons, avec une organisation forte et militaire. L’Europe assiste l’arme au bras sur ce champ de bataille : la France elle-même, qui n’ose rien franchement, intervient d’une manière couarde, prête des armes quand il faudrait des troupes régulières. Don Carlos n’a pas encore une ville à lui ; la bourgeoisie lui est opposée ; mais dès qu’il se sera emparé d’une grande capitale, de Vittoria ou de Burgos, les puissances de l’Europe se hâteront de le reconnaître. Qui sait ? peut-être résultera-t-il de là une sorte de morcellement de la Péninsule. L’Espagne n’est point assouplie comme nous à un système de centralisation : sa royauté peut aussi bien se placer à Burgos qu’à Vittoria, dans les vieilles cités où les premiers rois de Castille établirent leur gouvernement lors de la grande domination des Maures. Qui sait ? Zumala-Carreguy est peut-être appelé à jouer un rôle neuf dans ces troubles civils. Le Guipuscoa, la Navarre, l’Aragon, forment des royaumes à part, avec leurs fueros et leurs priviléges. Ces populations irrégulières voudront avoir un roi de leur choix, un prince de race basque, comme au temps de leurs brillantes annales, lorsqu’elles brisaient à coups de rochers et de javelots les paladins de Charlemagne dans le défilé de Roncesvales. Dans notre époque si prosaïque, ce serait un accident curieux qu’une royauté de montagnes, renouvelée des temps des Henriques et des Sanchez.

Au milieu de tout cela, Paris commence son carnaval assailli de filous, d’assassinats et de vols nocturnes. Nous avons la cité du moyen-âge sous l’administration de M. Gisquet ; nos rues sont plus larges, mais les voleurs sont plus adroits ; la police est plus nombreuse, mais elle a d’autres occupations.

Jusqu’à ces pauvres pensionnaires administratifs qui souffrent de la négligence gouvernementale de MM. Thiers et Humann ; les pensions du commencement de l’année ne sont point payées, et tout cela parce qu’on n’a pas encore eu le temps d’apposer une signature ; consultez les bureaux, et l’on vous dira que M. Thiers est l’homme le plus négligent, le plus insouciant pour les affaires administratives ; et pourtant le ministère de l’intérieur a un secrétaire-général et des directions multipliées. Qu’importe que les pensionnaires soient


Plus pâles qu’un rentier
À l’aspect d’un arrêt qui retranche un quartier.