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REVUE. — CHRONIQUE.


ne faut-il pas que la grande tête de M. Thiers s’occupe à sauver le pays ? ne faut-il pas qu’on prépare la majorité des chambres, les intrigues de château, qu’on empile les républicains au Mont-Saint-Michel et à Sainte-Pélagie, et qu’on construise une belle salle de bois peinte et repeinte pour un grand procès digne des plus tristes jours de la révolution française ?

Au reste, cette quinzaine a présenté trois élections bien curieuses, qui donnent une juste idée de l’unité de principes qui règne en France, ou de l’excellence et de la vérité de notre système électoral. Les colléges nous envoient tout à la fois M. Garnier-Pagès, M. de Fitz-James et M. Mahul, les trois personnifications extrêmes des factions politiques les plus opposées ! Un tel vote nous paraît un bien puissant argument ou contre la loi électorale ou contre la France ; et, à tout prendre, nous aimons mieux voir démolir la loi que l’homogénéité nationale.


O.

On nous promet pour les premiers jours de janvier le Chatterton de M. Alfred de Vigny. Il y aura, nous l’espérons, dans la représentation de ce drame le double intérêt du développement littéraire et de l’exécution scénique. Le sujet choisi par le poète offre, à coup sûr, de grandes difficultés ; mais ce n’est pas nous qui nous plaindrons de la grandeur de la tâche acceptée par l’auteur. Le petit nombre des rôles, et le nom des acteurs chargés de les remplir, nous promettent enfin une pièce d’analyse. C’est donc non-seulement dans la série des œuvres de M. de Vigny, mais bien aussi dans les évolutions de l’art dramatique, une tentative hardie, prévue dès long-temps, il est vrai, mais encore inaccomplie ; c’est une réaction spiritualiste au théâtre, et à ce titre, elle mérite, de la part du public, une attention sérieuse, de la part de la critique, une discussion approfondie. Il est fort à souhaiter que la comédie sur la cour de Louis xiv, à laquelle M. Hugo travaille en ce moment, soit écrite dans le même dessein, et reconstruise définitivement la tragédie vraie, la tragédie poétique, la tragédie simple et humaine, sur les ruines du drame à spectacle.

— Un de nos jeunes collaborateurs, M. Émile Souvestre, dont les articles sur le Pays de Tréguier et les Poésies populaires de la Basse-Bretagne ont été remarqués dans la Revue, vient de publier un ouvrage plein d’intérêt et de charme, sous le titre de l’Échelle des femmes[1]. Nous repar-

  1. Chez Charpentier, rue de Seine.