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à son domaine, est une maladie, et rien de plus. C’est une plaie de l’intelligence, mais non pas une gloire qu’il faille consacrer.

Lequel des deux a raison, du poète ou du moraliste ? Comment déterminer les relations logiques de la poésie et de la morale ? N’y a-t-il pas dans ce problème général deux problèmes secondaires, à savoir : quels sont les fondemens de la morale ? quel est le but de la poésie ? Après avoir nettement défini le caractère individuel de ces deux formes de la pensée, ne sera-t-il pas facile de sceller l’alliance qui doit les unir ?

Car il implique assurément que la poésie et la morale soient réduites à une hostilité mutuelle.

Quels sont donc les fondemens de la morale ? La morale repose sur la connaissance des facultés humaines. Sans cette connaissance préliminaire, il n’y a pas de morale possible. Il peut bien y avoir une série de pensées plus ou moins justes, plus ou moins applicables, mais jamais un ensemble systématique d’idées enchaînées l’une à l’autre, déduites l’une de l’autre, jamais de science, jamais de principes, jamais de philosophie.

Et quelles sont les facultés humaines ? Ramenées à leur plus haute généralité, comment se classent-elles ? Dans quel ordre s’accomplit le développement de ces facultés ? Aimer, comprendre et vouloir, c’est là, si je ne m’abuse, la totalité des facultés humaines. Il n’y a pas une seule action de la vie, pas un rêve de la pensée, pas un crime ou une vertu qui ne relève des passions, de l’intelligence ou de la volonté. Étudier la loi individuelle de chacune de ces facultés, c’est l’œuvre de la psychologie. Régler le développement de ces mêmes facultés en vue du bien, c’est l’œuvre de la morale. Ou plutôt le bien lui-même n’est autre chose que le développement légitime, régulier, harmonieux, des passions, de l’intelligence et de la volonté.

Le bonheur dans le bien, mais non pas le bien comme moyen de bonheur, tel est le but de la morale. Or, pour toucher ce but, que faut-il faire ? pour arriver au contentement par le devoir, quelle est la règle à suivre ? Suffit-il de surveiller attentivement l’une des trois facultés humaines ? Et, par exemple, qu’arriverait-il si un homme livrait sa vie à l’empire exclusif des passions ? Supposez-le sincère, loyal, désintéressé, sublime, dévoué jusqu’au renonce-