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LE POÈME DE MYRZA.

enseigne ces merveilleux instincts qui ne sont pas donnés à l’homme ? C’est l’amour qu’ils ont pour un sexe différent du leur.

Quant à nous, nous ne connaissons pas ces sublimes extases, ces transports de joie et ces caresses enivrantes : nous aimons à converser ensemble, à partager nos repas ; mais cette amitié n’est pas assez puissante pour que la séparation soit désespérée, ni pour que le battement du cœur nous annonce l’approche de l’ami absent. Nous n’avons que des peines légères et des joies tièdes. Dieu seul, Dieu notre immortel principe, nous ravit d’une joie inaccoutumée ; mais pouvons-nous toujours penser à lui ? Sa grandeur, que nous adorons, nous défend-elle de comparer notre destinée à celle des autres créatures, et de leur envier les biens que nous n’avons pas ? —

D’autres hommes se levèrent à leur tour, et dirent : — Les bêtes ont encore un avantage que nous n’avons pas. Elles se reproduisent d’elles-mêmes, elles donnent la vie à des créatures de leur espèce, qui sont leur chair et leur sang. Il y a plusieurs siècles, avant que la terre fût tranquille et féconde, la reproduction nous semblait une tâche pénible, un sceau de misère imprimé à la matière. Nous avions compassion de la jument obligée de porter son fruit dans son flanc durant le cours de deux lunes, de la perdrix forcée de couver patiemment ses œufs et de les féconder par la chaleur de son sein. Nous pensions que l’homme avait assez de cultiver la terre et de protéger les animaux ; que Dieu, dans sa sagesse, l’avait dispensé du rude travail de la génération, et lui avait donné l’immortalité, la jeunesse et la santé éternelle, pour marquer sa royauté sur la terre. Mais aujourd’hui nos grands travaux sont accomplis. Les animaux, libres et paisibles sous notre domination, s’aiment avec plus de bonheur encore, et nous voyons en eux des joies et des forces que nous n’avons pas. Nous admirons le soin avec lequel l’hirondelle nourrit sa compagne accroupie sur ses œufs, nous admirons la mère qui décrit de grands cercles dans les cieux pour attraper une pauvre mouche, dont elle se prive afin de l’apporter à ses enfans ; car les oiseaux à cette époque sont maigres et malades : mais le gazouillement de leurs oisillons semble les réjouir plus que toutes les graines d’un champ, et plus encore peut-être que les caresses de l’amour. Les plus faibles créatures acquièrent alors une folle audace pour la défense de ce qu’elles ont de plus cher :