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LE POÈME DE MYRZA.

la faim, la soif et le sommeil étaient pour lui une source de jouissance douce, et jamais de douleur. La privation était inconnue ; aucun despotisme social n’imposait les corvées et la fatigue ; il n’y avait ni larmes, ni jalousies, ni injustices, ni violences. Rien n’était un sujet de rivalité ou de contestation. L’abondance régnait avec l’amitié et la bienveillance.

Mais cette secrète inquiétude, qui est la cause de toutes les grandeurs et de toutes les misères de l’esprit, tourmentait presque également ceux qui désiraient un changement dans leur sort et ceux qui le redoutaient.

Alors les hommes firent de grandes prières dans les temples, et ils invoquèrent Dieu afin qu’il daignât se manifester.

Mais l’Éternel garda le silence, car il veut que les hommes et les anges soient librement placés entre l’erreur et la vérité. Autrement l’ange et l’homme seraient Dieu.



iii.



Mais comme le cœur de l’homme était humble et doux en ce temps-là, la sagesse éternelle fut touchée, car les hommes ne disaient pas : — Il nous faut cela, fais-le ; mais ils disaient : Tu sais ce qui nous convient, sois béni ; — et ils souffraient sans blasphémer.

La Sagesse, la Miséricorde et la Nécessité, les trois essences infinies du Dieu vivant, tinrent conseil dans le sein de l’Éternel, et comme il fallait que l’homme connût l’amour ou la mort, la matière ne pouvant se reproduire indéfiniment, l’Esprit saint dit par la bouche de la sagesse :

« Livrons l’homme aux chances de sa destinée ; que sa vie sur la terre soit éphémère et douloureuse, qu’il connaisse le bien et le mal, et qu’entre les deux il soit libre de choisir. »

Alors le Verbe de miséricorde ajouta : « Que dans la douleur il ait pour remède l’espérance, et dans le bonheur pour loi la charité. »