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DIPLOMATES EUROPÉENS.

mains de M. de Richelieu. M. Pozzo di Borgo vit sans doute personnellement avec peine l’avènement de ces hommes de 1815, qu’il avait frappés de l’ordonnance du 5 septembre ; mais, interprète de la volonté de son souverain, il les appuya. Il seconda également l’occupation du Piémont par l’Autriche, et il poussa la France à la guerre d’Espagne, selon la détermination des congrès de Troppau, de Laybach et de Vérone.

Ferdinand vii avait été rétabli sur le trône. Alexandre, qui se croyait bien quelque droit à la reconnaissance de ce prince, ne négligea pas d’en tirer tout le profit qu’il put pour sa politique. L’ambition de la Russie était toujours d’établir son influence sur le midi de l’Europe, aux dépens de l’influence anglaise. M. Pozzo di Borgo fut envoyé à Madrid, afin d’y frayer le chemin du ministère à M. Zéa, tout acquis aux intérêts du cabinet de Saint-Pétersbourg, où il avait été long-temps consul-général d’Espagne. La mission de l’ambassadeur eut un prompt succès. Le roi congédia son confesseur Saëz, et mit à sa place le protégé du czar. Dès-lors fut fondée cette étroite union entre les deux cours, que la mort de Ferdinand vii, et la réaction qui la suivit, purent à peine rompre après dix ans.

De retour à Paris, M. Pozzo di Borgo vit commencer les sérieuses folies de la restauration. La promenade du duc d’Angoulême au-delà des Pyrénées l’avait trop enivrée ; elle ne croyait plus au danger ; elle se plaisait à tourmenter le pays par ses lois impopulaires. Le crédit de l’ambassadeur russe était alors presque nul : il observait ; il n’approuvait guère, il improuvait un peu ; il faisait une petite opposition de salon. Un jour, à propos de la conversion des rentes, on l’entendit s’écrier : « Le roi de France veut devenir le souverain le plus riche de l’Europe, mais j’ai bien peur que tout cet argent qu’il amasse ne lui serve qu’à vivre dans l’exil ; j’ai bien peur qu’il ne nous mène à une catastrophe : on ne joue pas impunément avec les intérêts des classes bourgeoises. « 

Pendant son voyage en Crimée, Alexandre était mort de cette mystérieuse maladie héréditaire dans la dynastie russe. Nicolas succédait aux idées et aux sympathies de son frère comme à son trône. M. de Nesselrode restait à la tête du cabinet. Les pouvoirs de l’ambassadeur russe à Paris furent continués. Il remit à Charles x ses nouvelles lettres de créance, lorsque la presse battait déjà en brèche le ministre du trois pour cent et les trois cents députés de sa chambre. Après deux années encore d’une habile résistance, M. de Villèle fut enfin renversé. Charles x composa le ministère Martignac. M. Pozzo di Borgo s’employa très activement à y faire entrer le comte de la Ferronnays, alors notre ambassadeur à Saint-Pétersbourg. À cette époque, il importait beaucoup au cabinet russe que le ministre des affaires étrangères français lui fût bienveillant. En signant