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intervention du diplomate russe qui obtint de l’empereur Alexandre et du duc de Wellington qu’un terme fût enfin fixé à l’occupation ; ce fut elle qui valut au pays obéré quelque allégement dans le poids monstrueux des contributions militaires, et une plus équitable liquidation des créances étrangères. Ces efforts, a-t-on dit, ne furent pas tous désintéressés. Ce serait à l’époque de ces négociations que l’on ferait remonter l’origine de la fortune colossale de l’ambassadeur. Là-dessus nous ne nions ni n’affirmons rien ; mais qui ne sait qu’en diplomatie les gratifications sont de droit public, et que, même dans les budgets constitutionnels, elles ont leur chapitre légal, délicatement intitulé : Présens diplomatiques, sans compter les fonds secrets ?

On sait que la libération de la France fut le résultat principal du congrès d’Aix-la-Chapelle. M. Pozzo di Borgo avait essayé vainement de rassurer Alexandre qui commençait à s’effrayer des tendances démocratiques de l’Europe. Après les conférences, le czar fit une courte visite à Paris ; il s’entretint avec Louis xviii des craintes que lui causait surtout la fermentation des universités allemandes, et avant de partir, il enjoignit à son ambassadeur d’arrêter désormais le mouvement libéral plutôt que de le favoriser. L’empereur quittait à peine la France, que le ministère Desolles remplaçait déjà celui du duc de Richelieu. M. Pozzo di Borgo ne heurta pas encore de front les principes qui avaient présidé à la composition du cabinet. Mais lorsque le nom de M. Grégoire sortit de l’urne électorale, lorsque le duc de Berry fut tombé sous le poignard de Louvel, le représentant du czar dut s’associer aux terreurs vraies ou feintes du corps diplomatique, et il ne fut pas étranger à la résolution qui forma le second ministère Richelieu.

Alexandre ne s’était pas trompé dans ses frayeurs prévoyantes ; l’esprit des révolutions s’était levé et courait l’Europe. En Allemagne, la jeunesse des universités s’agitait impatiente ; Kotzebue avait été assassiné. En Russie, c’étaient les sociétés secrètes de l’armée ; en Angleterre, les révoltes d’ouvriers de Manchester ; à Paris, les émeutes des écoles. Déjà Naples, le Piémont et l’Espagne avaient mis à leurs rois les menottes constitutionnelles. Partout les nations demandaient compte aux souverains de ces promesses de liberté qu’ils n’avaient pas tenues, et prétendaient se faire justice elles-mêmes. Tout annonçait un soulèvement universel des peuples. Jamais tant de trônes n’avaient été ébranlés à la fois et si profondément. Cette rude secousse, qui ne les put renverser, les raffermit en les avertissant. L’attaque démocratique provoqua une résistance monarchique plus vigoureuse et plus hostile. La sainte-alliance resserra ses nœuds relâchés. M. de Corbière et M. de Villèle avaient pris le ministère des