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REVUE. — CHRONIQUE.

serait absurde qu’ils songeassent à chercher ailleurs l’appui qu’ils prêtent au roi. En un mot, si M. Dupin consent à descendre de sa position de représentant d’un des trois pouvoirs constitutionnels pour prendre le portefeuille de secrétaire-d’état, ce ne sera qu’après avoir fait promulguer ses principes qu’il a clairement résumés dans ses derniers discours ; ce ne sera qu’en s’appuyant sur des collègues qui les partagent, et après avoir proposé la réalisation de ses vues au président du conseil. Enfin, il n’acceptera qu’un poste, celui de garde-des-sceaux auquel le portent tout naturellement ses profondes études jurisprudentielles, et où il pourra appliquer des idées de réforme, mûries depuis long-temps. En cela, la conduite de M. Dupin est aussi honorable qu’elle est franche et logique.

Après ces ouvertures, M. Molé et M. Dupin s’étant fait connaître leurs sentimens par un intermédiaire, restèrent tranquilles, et ne cherchèrent pas même à se voir. Quelques mots furent échangés entre eux au dernier concert de la cour, et avant-hier au bal des Tuileries, ils se rencontrèrent dans la foule, et se dirent encore quelques paroles. Aucune entrevue n’a eu lieu, et cependant ils se regardent comme engagés. M. Passy et M. Calmon se sont également rattachés à cette combinaison, que ses auteurs eussent voulu réaliser sous le maréchal Gérard, mais dont ils n’ont pas exclu le maréchal Soult. Cette résolution a été notifiée plusieurs fois au roi par M. Dupin et par M. Molé, dans les visites journalières qu’ils font au château.

Aussi, dans les derniers jours de cette grande et mémorable semaine, signalée par des riens, la pensée royale s’est-elle efforcée de trouver un ministère plus facile à influencer et à conduire. Ce ministère devait se composer de tous les intimes. On voyait à placer M. Montalivet à l’instruction publique, M. Sébastiani aux affaires étrangères, M. Soult à la présidence ; à laisser M. Thiers à l’intérieur, M. Persil à la justice ; à ne s’entourer que de complaisans, d’une sorte de domesticité amicale, à se faire un conseil comme le veut la brochure, avec lequel on pût gouverner seul par soi-même, ou par un ministère à son choix, ou par d’autres encore que par ses ministres. À l’heure qu’il est, cette combinaison n’existe déjà plus, et ces élémens, trop maniables, se sont fondus sous la main qui les assemblait.

À force de réfléchir, on a vu, d’un côté, qu’on tenait sous sa main ce qu’on cherchait ailleurs ; et de l’autre, que des pouvoirs rétrécis et disputés étaient encore mieux qu’une nullité entière et la retraite. M. Thiers voyait de grandes difficultés à se glisser dans le nouveau ministère sous le pan de l’habit de M. Molé ou sous la simarre de M. Dupin, désespérant de rentrer avec M. le maréchal Gérard et de nouveaux collègues,