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trouve bon de revenir avec M. Soult, M. de Rigny, et tous ceux que n’entraînera pas M. Guizot. Mais déjà M. Guizot lui-même semble moins inflexible, et on ne voit pas pourquoi il repousserait la présidence du maréchal Soult, qu’il a acceptée si long-temps. Le roi et le ministère sont donc maintenant vis-à-vis l’un de l’autre dans une bouderie coquette, comme Titus et Bérénice, invitus invitam, personne ne veut avoir donné de démission, personne ne veut l’avoir reçue ; il ne faut qu’un Arsace qui s’écrie :


L’intérêt, la raison, l’amitié ; tout vous lie.


et nous aurons l’attendrissant spectacle d’une réconciliation renouvelée de la paix replâtrée de novembre.

Dans cette atmosphère d’intrigues, il paraît jusqu’à présent que rien n’est résolu ; le roi ne veut pas du tiers-parti depuis qu’il s’est dessiné pour la prérogative parlementaire ; nous aurons l’ancien cabinet, avec M. le maréchal Soult de plus, et peut-être M. Guizot de moins ; car nous devons démentir formellement le bruit de l’entrée de M. Molé dans ce ministère. Vous figurez-vous le nom de M. Molé placé entre les marchés de guerre et les pots-de-vin du ministère de l’intérieur ! Ainsi, la difficulté ne sera pas vaincue ; la crise se prolongera, parce que les principes opposés demeurent en lutte ; toute solution reste en suspens, et nous verrons se reproduire dans trois mois le même embarras qui a suivi la dissolution de novembre.

Et pourtant, pour se calmer, les intérêts auraient besoin d’un fort principe de gouvernement, d’une administration régulière, d’une liberté efficace ; le pays haletant n’en peut plus de ces crises périodiques, qui tourmentent sa constitution et blessent ses droits les plus chers.

À l’extérieur, la crise devient grave, les tories veulent se maintenir au pouvoir, et le vague du discours du roi d’Angleterre n’est pas propre à les seconder. Rien n’est promis, un nuage environne les promesses royales par rapport à l’Irlande, aux dissenters de l’Écosse, à la réforme de l’église et du clergé. Le parlement a, comme en France, une grande mission à remplir. Il doit proclamer son droit comme la chambre des députés le sien ; un amendement dans l’adresse doit constater les prérogatives de la chambre des communes, comme en France, un amendement au budget ou à la loi des 25 millions doit montrer au pouvoir l’esprit de la chambre et les décisions de la majorité. La lutte est ainsi engagée sur une très vaste échelle. Puisque ces deux couronnes veulent attaquer le gouvernement représentatif jusque dans son essence, eh ! bien, il