— Voyez-vous cet orgueil ! ces messieurs se figurent qu’on ne pense qu’à eux !
— À quoi tout cela la mènera-t-il ? reprit Joseph ; trouvera-t-elle un mari sous les feuillets de ses vieux livres, ou dans les boutons de ses fleurs ?
— Bah ! bah ! un mari ! quel est donc l’artisan qui pourrait épouser une femme comme elle ? Un beau mari pour elle qu’un serrurier ou un cordonnier, avec ses mains sales et son tablier de cuir ! Et quant à vous, mes beaux messieurs, vous n’épousez guère, et Geneviève est trop fière pour être votre bonne amie autrement.
— Dites qu’elle est trop froide. Je ne peux pas souffrir les femmes qui n’aiment rien.
— Vous la connaissez bien, en vérité ! dit Henriette en haussant les épaules ; c’est le cœur le plus sensible ; elle aime ses amies comme des sœurs, elle aime ses fleurs, comme quoi, dirai-je ?… comme des enfans ! Il faut la voir se promener dans les prés, et trouver une fleur qui lui plaît ! c’est une joie, c’est un amour ! Pour une petite marguerite dont je ne donnerais pas deux sous, elle pleure de plaisir ; quelquefois elle sort avec le jour pour aller dans les champs cueillir ses fleurs, avant que vous soyez sortis du nid, vous autres oiseaux sans plumes !
— En vérité ! s’écria André vivement ; en ce cas c’est elle que j’ai rencontrée un jour… Il se tut tout à coup, et sortit un instant après pour cacher l’émotion et la joie qu’il éprouvait de retrouver la trace de sa belle rêveuse de la prairie.
— Voyez-vous ce garçon-là ? dit Joseph aux ouvrières, lorsque André eut quitté la chambre : il est fou.
— Il est tout étrange en effet, répondit Henriette
— Il faut que je vous dise son véritable mal, reprit Joseph, il s’ennuie faute d’être amoureux, et il faut, mesdemoiselles, que vous m’aidiez à le guérir de cet ennui-là.
— Oh ! nous ne nous en mêlons pas ! s’écrièrent-elles toutes, non sans jeter un regard attentif sur André qui passait sous la fenêtre.
— Je parle sérieusement, chère Henriette, dit Joseph, qui rencontra la belle couturière un instant avant le dîner, dans un corridor-