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compromise par ses tentatives ? Qu’elle vienne, croyez-moi, belle Henriette, ce sera une danseuse de plus pour notre bal de ce soir, et nous nous amuserons du petit air niais d’André, et du grand air froid de Geneviève. Ne voilà-t-il pas une intrigue qui les mènera loin ?

— Au fait, c’est vrai, dit Henriette, ce petit monsieur sera drôle avec ses révérences ; et quant à Geneviève, elle n’a pas à craindre qu’on dise du mal d’elle tant qu’elle ira quelque part avec moi.

Joseph fit la contorsion d’un homme qui avalerait une pomme.

— J’aurai bien de la peine à la décider, ajouta Henriette ; elle ne va jamais chez les bourgeois, et elle a raison, monsieur Joseph ! les bourgeois ne sont pas des maris pour nous, aussi nous n’écoutons guère leurs fleurettes, tenez-vous cela pour dit.

— Pour le coup, dit Joseph, j’avale une citrouille qui m’étouffera ! Pardon, mademoiselle, ce sont des spasmes d’estomac. Voici le dîner qui sonne ; permettez-moi de vous offrir mon bras. C’est convenu, n’est-ce pas ?

— Quoi donc, monsieur, s’il vous plaît ?

— Que vous irez chercher Geneviève après dîner ?

— J’essaierai.

v.

Henriette essaya en effet, pour complaire à Joseph Marteau, dont elle aurait été bien aise de rendre sérieuses les protestations d’amour. Du reste, elle feignait d’admirer beaucoup la vertu de Geneviève, et, par esprit de corps, elle ne cessait de vanter la supériorité de cette grisette, en sagesse et en esprit, sur toutes les dames de la ville. Mais intérieurement elle n’approuvait pas trop la rigidité excessive de sa conduite. Elle croyait que le bonheur n’est pas dans la solitude du cœur ; et son amitié pour elle la portait à lui conseiller sans cesse d’écouter quelque galant.

Elle fut forcée de dissimuler avec Geneviève, pour la décider à venir chez Mme Marteau. La jeune fleuriste ne se rendit qu’en recevant l’assurance de n’y rencontrer que les filles de la maison et les ouvrières d’Henriette.