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ANDRÉ.

Pour aider à ce mensonge, Joseph, sans rien dire à André, le mena faire un tour de promenade dans la ville, ne rentra que lorsqu’il jugea Geneviève et Henriette arrivées.

Ils les rejoignirent dans le petit jardin qui était situé derrière la maison. Geneviève donnait le bras à la grand’mère, qui s’appuyait sur elle d’un air affectueux, en lui disant :

— Viens par ici, mon enfant, je veux te montrer mes hémérocales ; tu n’as jamais rien vu de plus beau. Quand tu les auras regardées, tu voudras en faire pour le bouquet de Justine, c’est une fleur du plus beau blanc, tiens, vois !

Geneviève ne s’apercevait pas de la présence des deux jeunes gens ; ils marchaient doucement derrière elle, Joseph faisant signe aux autres jeunes filles de ne pas les faire remarquer. Geneviève s’arrêta et regarda les fleurs sans rien dire : elle semblait réfléchir tristement.

— Eh bien ! dit la vieille, est-ce que tu n’aimes pas ces fleurs-là ?

— Je les aime trop, répondit Geneviève, d’un petit ton précieux, rempli de charme. C’est pour cela que je ne veux pas les copier. Ah ! voyez-vous, madame, je ne pourrais jamais ; comment oserais-je espérer de rendre cette blancheur-là et le brillant de ce tissu ? du satin, ce serait trop luisant ; la mousseline serait trop transparente ; oh jamais, jamais ! Et ce parfum ! qu’est-ce que c’est que ce parfum-là ? qui l’a mis dans cette fleur ? où en trouverais-je un pareil pour celles que je fais ? Le bon Dieu est plus habile que moi, ma chère dame !

En parlant ainsi, Geneviève, s’appuyant sur le vase de fleurs, pencha son front aussi blanc qu’elles sur les hémérocales, et resta comme absorbée par la délicieuse odeur qui s’en exhalait.

C’est alors seulement qu’André put voir son visage, et il reconnut sa dame d’amour, comme il l’appelait dans ses pensées, en souvenir des deux vers de la romance.

Geneviève ne ressemblait en rien à ses compagnes ; elle était petite, et plutôt jolie que belle ; elle avait une taille très mince et très gracieuse, quoiqu’elle se tînt droite à ne pas perdre une ligne de sa petite stature. Elle était très blanche, peu colorée, mais d’un ton plus fin et plus pur que la plus exquise rose musquée qui fût sortie de son atelier. Ses traits étaient délicats et réguliers, et,