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REVUE DES DEUX MONDES.

xxiii.

Un soir, venant de perdre une bataille honnête,
Ne possédant plus rien qu’un grand mal à la tête,
Je regardais le ciel, étendu sur un banc,
Et songeais, dans mon ame, aux héros d’Ossian.
Je pensai tout à coup à faire une conquête ;
Il tressaillit en moi des phrases de roman.

xxiv.

Il ne faudrait pourtant, me disais-je à moi-même,
Qu’une permission de notre Seigneur Dieu,
Pour qu’il vînt à passer quelque femme en ce lieu.
Les bosquets sont déserts ; la chaleur est extrême ;
Les vents sont à l’amour ; l’horizon est en feu ;
Toute femme, ce soir, doit désirer qu’on l’aime.

xxv.

S’il venait à passer, sous ces grands marronniers,
Quelque alerte beauté de l’école flamande,
Une ronde fillette, échappée à Téniers,
Ou quelque ange pensif de candeur allemande ;
Une vierge en or fin d’un livre de légende,
Dans un flot de velours traînant ses petits pieds ;

xxvi.

Elle viendrait par là, de cette sombre allée,
Marchant à pas de biche, avec un air boudeur,
Écoutant murmurer le vent dans la feuillée,
De paresse amoureuse et de langueur voilée,
Dans ses doigts inquiets tourmentant une fleur,
Le printemps sur la joue, et le ciel dans le cœur.