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la satire politique, mise en scène, une singulière monotonie, une rapide satiété. Personnelle et nominale, la comédie politique est trop facile, trop vulgaire, et continue la place publique sans l’agrandir ou l’élever. Ce n’est plus pour l’intelligence une distraction, un délassement ; c’est une perpétuelle redite, une excitation inutile des passions assouvies déjà dans les combats de la tribune ou de la presse.

L’inévitable pauvreté de la comédie personnelle n’est qu’une conséquence particulière d’une loi plus générale et plus haute : à savoir que la réalité ne suffit pas aux arts d’imitation. Molière n’a pas copié les marquis et les princesses de Versailles et de Paris, pas plus que Phidias n’a copié les canéphores d’Athènes, ou Raphaël les filles de la campagne romaine.

Or, la satire qui, sous la forme lyrique, demande impérieusement toutes les richesses de la poésie, et qui ne peut être écoutée qu’à la condition de mettre la grace dans la force et la majesté dans l’énergie, la satire s’appauvrit en passant par la bouche d’un acteur. Le poète se dispense d’imaginer parce qu’il a sous la main une fortune toute prête ; un pli du visage, un geste pris sur la nature, parlent plus haut qu’une image ou une allusion. À quoi bon trouver pour la pensée des symboles aussi purs que les strophes de Pindare, aussi animés que la colère de Juvénal ? Le comédien, s’il est habile, et pour une pareille tâche il est rare qu’il ne le soit pas, le comédien répond à tout. Le costumier, le miroir et le vermillon font la moitié de la besogne

Reste donc la comédie politique d’invention.

Mais une fois résigné à l’invention, dans quelles limites le poète choisira-t-il le thème de ses travaux ? Dégagé volontairement de la personnalité, trouvera-t-il dans les évènemens qui s’accomplissent sous ses yeux, parmi les hommes qui s’agitent autour de lui, des fables et des personnages dignes d’attention, et surtout dignes de durée ? Je ne crois pas qu’il soit possible de se prononcer pour la négative. Seulement il ne sera jamais donné au poète comique de prétendre à l’immortalité comme l’artiste voué à la peinture exclusive des passions sérieuses. Pourquoi cela ? parce que les ridicules changent et se renouvellent, et s’abolissent rapidement, au point de paraître, après quelques générations, inintelligibles au plus