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DE LA RÉFORME DE LA COMÉDIE.

grand nombre, tandis que, les déchiremens de l’ame humaine, à vingt siècles de distance, se comprennent comme au premier jour.

Depuis la Constituante jusqu’à la conférence de Londres, il s’est joué, Dieu le sait, bien des comédies politiques ; eh bien ! le poète qui serait doué du génie comique, n’aurait pas besoin de s’en tenir à la lettre du Moniteur pour amener le rire sur les lèvres et obtenir la popularité, même parmi les intelligences d’élite. Ce que le romancier fait avec bonheur pour les souffrances de sa vie personnelle, ou pour les douleurs dont il a été le témoin, le poète peut le faire pour le ridicule des races royales, pour les fourberies des ambassadeurs, pour la mystification des peuples. Il n’est pas indispensable, à coup sûr, de copier les caquets de Trianon ou du pavillon Marsan, pas plus que d’écrire dans un livre la confession de ses défaites, ou les ruses d’une maîtresse perdue. Qu’il y ait, dans un récit de mille pages destiné au public, deux ou trois chapitres d’une réalité poignante pour une seule personne au monde, c’est un mystère très innocent, une vengeance bien excusable, mais qui n’exclut pas l’invention ; appliqué à la comédie politique, ce procédé offrirait au poète des ressources pareilles, et de pareilles chances de succès

Voir dans un évènement accompli non pas seulement ce qu’il contient réellement, mais le germe avorté d’un avenir désormais impossible, la lutte acharnée de prétentions réduites à l’oisivité désespérée, telle serait, selon nous, la tâche du poète comique.

Et qu’on ne dise pas, comme on l’a trop souvent répété, que la presse déflore la comédie. La presse est une œuvre quotidienne, impersonnelle, involontaire, qui n’a rien à faire avec la poésie. De la presse à la scène, il y a toute la distance qui sépare le marbre de la statue. Dans l’improvisation de chaque jour, le bloc est tout au plus équarri ; mais la gloire toute entière est promise au ciseau persévérant.

Ce qui est vrai pour l’invention des sujets, n’est pas moins vrai pour l’invention des personnages. S’il est possible à l’amant trompé, au rêveur déchu de ses angéliques espérances, de se consoler dans une fiction inoffensive, et de repeupler avec des fantômes bienheureux la solitude de son cœur, sera-t-il défendu au spectateur des ambitions et des mésaventures politiques d’arranger au gré de