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n’y conçoit rien et se fâche ; Ambrosius, furieux, intente un procès à l’effet de faire rentrer sous sa puissance magistrale et paternelle sa Galathée masculine. L’affaire se plaide et se juge ; le médecin Pancracius, magnétiseur fini, espèce de Paracelse bouffon, empêche par son témoignage les juges de condamner Ledebrinna, contre lequel s’élèvent assez de preuves amusantes. Pourtant ce dernier, ébranlé par de si vives émotions, tombe malade et donne à Pancracius occasion de faire une cure magnétique assez grotesque ; une petite fée bannie quitte le corps de Ledebrinna ; cette fée est la maîtresse de l’elfe Coucou, auquel Heinzemann a rendu la liberté. Coucou reconnaissant vient inviter son maître temporaire à sa noce, qui se fait dans le jardin d’une maison où se célèbre une autre noce. Le médecin Pancracius, qui assiste à celle-ci, veut aussi avoir sa part de l’autre, et après plusieurs bouffonneries, redevient le joyeux elfe Puck, que l’ami Coucou avait envoyé à Ensisheim pour servir Ambrosius. Celui-ci, réconcilié avec Ledebrinna, lui donne en mariage sa romanesque Ophelia, à laquelle son époux avoue, pendant la nuit des noces, qu’il n’est autre que le mannequin animé par certaine étoile filante, ce qui n’empêche pas Mlle Ophelia d’aimer un homme bien laid, qui a un teint de cuir bouilli et de gros sourcils de crin.

Quoi qu’il en soit de cette donnée, ce n’est pas nous qui la reprocherons à l’auteur. Nous avons appris en France à tout supporter, même ce qui est contraire à notre premier mouvement, toujours incrédule et positif. Nous aimons beaucoup la poésie, après tout, et ne marchandons plus à cause de l’origine. Nous voudrions seulement que M. Tieck se plaçât le moins possible dans la vie réelle. On a pu voir par notre scrupuleuse analyse comme il la comprend. Il serait peut-être moins dans son intérêt de supprimer les dissertations qui nous pèsent si fort. Ce mélange bâtard de caquet et de professorat, cette science eunuque, qui touche à tout, sans amuser et sans instruire, flattent pourtant la vanité d’une certaine classe de lecteurs allemands qui répond à notre monde frivole. À ceux-là, il faut toujours servir un peu de pédantisme. Cela leur rappelle qu’ils sont du pays de l’érudition, et les aide à prendre en pitié le reste du monde, plongé dans l’ignorance la plus crasse, comme chacun sait.

Pour l’auteur, ces conversations interminables avaient cette fois un autre but. C’était un moyen de placer des diatribes aigre-douces contre la littérature française d’aujourd’hui. Voilà deux nouvelles qu’il écrit cette année pour y encadrer la même malédiction. L’anathème est formulé d’une manière plus franche et plus prolixe dans la plus longue de ces deux nouvelles. M. Tieck y cite une douzaine de nos écrivains, et fait