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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/141

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REVUE. — CHRONIQUE.

Guiscriff, scènes de la terreur dans une paroisse bretonne[1].

Ce roman, dont l’auteur s’est fait connaître déjà par des travaux historiques d’un mérite véritable, est précédé d’une notice sur la chouannerie, qui retrace dans un récit simple et lucide le caractère particulier qui distingua, sous la révolution, l’insurrection vendéenne des courses de la chouannerie bretonne. La Vendée, comme la Bretagne, s’était soulevée bien plus encore pour défendre son culte religieux, menacé dans la personne des prêtres, que par l’impulsion d’un sentiment monarchique dont les objets se trouvaient à une bien grande distance des affections nécessairement bornées des paysans de l’ouest. Mais il y avait eu dans l’insurrection de la Vendée un mouvement bien plus spontané, bien plus indépendant, bien moins subordonné au secours et à l’appui de l’étranger. Cette attente continuelle où les chefs de la chouannerie se placèrent volontairement à l’égard de l’Angleterre et des princes de la maison de Bourbon, paralysa l’élan des provinces bretonnes, qui, réunies à la Vendée, et animées du même héroïsme, auraient pu susciter à la convention, déjà occupée sur les frontières du Rhin, d’insurmontables obstacles. Cette notice sur la chouannerie n’est d’ailleurs que le prologue de l’ouvrage : les acteurs principaux du drame sont, un curé constitutionnel qui, après avoir prêté le serment exigé, se trouve de concession en concession, et par la pente irrésistible d’une fausse position, poussé jusqu’au crime, à l’oubli de ses devoirs de prêtre, et à la trahison la plus infâme envers son prédécesseur, vieux et vertueux prêtre, qui a préféré la déportation à l’apostasie. Le caractère du curé Melven est bien tracé ; nous en dirons autant de Bonaventure, robuste et rusé partisan, de Florent, ancien comédien sifflé, bâtard de grand seigneur, qui fait expier à l’ordre social qui s’écroule les martyres de son ambition déçue et de son amour-propre froissé. En général, il y a dans ce roman du naturel et de la vérité, qualités rares par le temps qui court ; on y trouve une observation presque érudite des mœurs et des superstitions de la Bretagne. L’auteur dit, dans une courte introduction, qu’il n’est pas dans tout l’ouvrage un seul sentiment qui n’ait traversé l’ame de ses personnages pour arriver jusqu’à lui. En lisant le livre, on se convainc qu’il a dit vrai ; peut-être même ce mérite, car c’en est un, est-il poussé jusqu’à l’excès ; l’historien perce peut-être un peu trop sous le romancier. Ces personnages, qui, pris en eux-mêmes,

  1. vol. in-8o, chez Dentu, Palais-Royal.