Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
REVUE DES DEUX MONDES.

avec elles. Le pouvoir essaie d’abord ses forces contre les doctrines excentriques et exagérées ; il frappe la Tribune et la Quotidienne pour arriver ensuite au National, au Courrier Français et au Constitutionnel ; ce n’est pas à une opinion qu’on en veut, c’est à la pensée humaine tout entière.

Avons-nous encore des relations à l’extérieur au moment où tous nos ambassadeurs vont quitter les capitales pour arriver hâtivement comme juges dans le grand procès poursuivi devant la pairie ? Il faut que l’Europe soit bien paisible, ou les ambassadeurs bien inutiles, pour que le gouvernement se résolve à une telle mesure.

Où en est d’abord l’Angleterre ? Le ministère Peel pourra-t-il soutenir l’orage toujours plus menaçant de l’opposition ? C’est là, on peut le dire, un exemple pour la France. Voyez comme toutes les nuances se groupent sous lord John Russell ! Voyez avec quelle vigueur l’opposition attaque le système ministériel ; avec quelle persévérance elle s’agite, avec quelle puissance elle arrive à son but ! Où est le pendant de John Russell en France ? Quelle différence de situation parlementaire ! M. Peel sera forcé de se retirer du cabinet, moins par ses fautes que par l’admirable tactique de l’opposition. Cet évènement pourra changer bien des choses en Europe. Si le ministère tory fût resté aux affaires, si le ministère doctrinaire et de résistance se fût consolidé chez nous, on dit qu’il se serait formé une triple alliance entre la France, l’Autriche et l’Angleterre. C’eût été un grand résultat ; la quadruple alliance du Portugal, de l’Espagne, de la France et de l’Angleterre, n’existe guère que sur le papier.

Ce rapprochement avec la maison d’Autriche a été redouté par la Russie à l’avènement du ministère tory, et c’est pour l’empêcher qu’elle avait envoyé à Londres M. Pozzo di Borgo. Nous ne croyons pas que sa mission ait complètement réussi ; elle deviendra d’ailleurs inutile, si le ministère tory est renversé, car jamais M. de Metternich ne voudra traiter avec les whigs. Déjà les tories avaient commencé leur plan de campagne par la reconnaissance de la Moldavie et de la Valachie comme états indépendans. Le cabinet de Saint-Pétersbourg voulait y faire dominer l’idée de son protectorat ; en reconnaissant ces provinces, l’Angleterre les constitue en souverainetés parfaitement libres, ayant auprès d’elles des représentans, et c’est là une première concession faite par les tories à M. de Metternich. Le renversement du ministère Peel jettera la politique de l’Angleterre dans une route tout-à-fait hostile au continent. L’alliance avec la France se raffermira, mais les whigs ne pourront se rapprocher ni de l’empereur Nicolas, ni de M. de Metternich.