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Une guerre continentale éclatant, laisserions-nous en Afrique un corps d’armée qui, dans un cas donné, pourrait sauver l’indépendance de la France ? — Assurément non, et alors, tous les sacrifices antérieurs seraient à peu près perdus.

Après avoir posé ces questions, il semble qu’il n’y ait plus qu’à conclure à l’abandon de cette terre où les Romains firent prospérer une civilisation si féconde, et l’on s’étonne peu que de bons esprits, préoccupés des améliorations qu’on immobiliserait sur notre sol, avec ce que coûtent des résultats si mesquins et si éventuels, ne voient, dans la possession d’Alger, qu’un fardeau dont la France ne saurait trop tôt se dégager.

Mais si, en étudiant les mœurs, les intérêts, les vœux des populations indigènes, en contrôlant par leurs effets les règles de conduite suivies de 1504 à 1792 par les Espagnols à Oran, par les Français dans la province de Bône, de 1520 à 1794, par les Turcs, dans toute la régence, de 1516 à 1830, on venait à reconnaître que l’énormité des charges et la stérilité des résultats tiennent au système d’administration que nous avons pratiqué depuis quatre ans, au peu d’attention que nous avons accordé aux conditions dans lesquelles nous devons agir, à la fausse direction de nos vues ; s’il ressortait de l’examen des faits que près de la moitié de nos dépenses est employée à détériorer notre situation ; qu’à leur réduction semblent attachés nos succès ; qu’il est facile de ramener promptement à une balance équitable les frais et les avantages de la possession d’Alger, d’y entrer dans une voie progressive d’améliorations, alors la question changerait de face ; le problème sans solution qui agite les esprits s’éclaircirait, et toute la France en viendrait à considérer la possession d’Alger du même œil que nos populations du littoral de la Méditerranée. Leur enthousiasme pour cette grande et nationale entreprise est, comme on le verra plus loin, très éloigné d’être irréfléchi.

J’ai besoin d’excuser à mes propres yeux la témérité qui me porte à entreprendre cette tâche. Membre de la commission d’Afrique instituée par ordonnance du 12 décembre 1832, j’ai pu consulter beaucoup de documens ignorés du public : bientôt convaincu que toutes les questions relatives à notre établissement en Afrique étaient dominées par celle de l’établissement de nos relations avec