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ANDRÉ.

— Belle question ! dit Henriette en riant : après qu’une fille a sacrifié sa réputation à monsieur, il demande si on l’aime ! Vous êtes trop modeste, ma foi ! et à la place de Geneviève… car vous êtes tout-à-fait gentil avec votre air tendre… Mais chut… la voilà qui s’éveille… Attendez-moi là.

— Eh ! pourquoi n’irais-je pas avec vous ? Je suis un peu médecin, moi ; je saurai ce qu’elle a, car je suis horriblement inquiet…

— Ma foi, écoutez, dit Henriette, j’ai envie de vous laisser ensemble : elle n’a pas d’autre mal que le chagrin ; quand vous lui aurez dit que vous voulez l’épouser, elle sera guérie. Je crois que cette parole-là vaudra mieux que toutes mes tisanes… Allez, allez, dépêchez-vous de la rassurer… Je m’en vais… je reviendrai savoir le résultat de la conversation.

— Oh ! pour Dieu, ne me laissez pas ainsi, dit André effrayé ; je n’oserai jamais me présenter devant elle maintenant, et lui dire ce qui m’amène, si vous ne l’avertissez pas un peu.

— Comme vous êtes timide ! dit Henriette étonnée : vraiment, voilà des amoureux bien avancés ! et c’est bien la peine de dire tant de mal de vous deux ! Les pauvres enfans ! Allons, je vais toujours voir comment va la malade.

Henriette entra dans la chambre de son amie ; André resta seul dans l’obscurité, le cœur bondissant de trouble et de joie.

xi.

La maladie de Geneviève n’était pas sérieuse : une irritation momentanée lui avait causé un assez violent accès de fièvre ; mais déjà son sang était calmé, sa tête libre, et il ne lui restait de cette crise qu’une grande fatigue, et un peu de faiblesse dans la mémoire.

Elle s’étonna de voir Henriette la soulever dans ses bras, l’accabler de questions, et lui présenter son infaillible tisane. Sa surprise augmenta lorsque Henriette, toujours disposée à l’amplification, lui parla de sa maladie, du danger qu’elle avait couru. — Eh ! mon Dieu, dit la jeune fille, depuis quand donc suis-je ainsi ?