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ALGER.

autant dans la régence, et attendre, pour spéculer sur les terres, que les limites et les propriétaires en fussent bien connus. Il faudrait, sauf les réglemens de commerce, distinguer les territoires régis par le Code civil ou par le Coran, et admettre au bénéfice de nos lois les indigènes qui voudraient résider dans nos circonscriptions.

Plus tard enfin, la colonisation agricole s’étendrait à mesure que l’ouverture des routes, la constitution de la propriété, le commerce, lui auraient frayé les voies. C’est à l’ombre de pareilles garanties, et non pas derrière des baïonnettes, qu’elle peut cheminer. L’individualisation de la propriété, le débouché ouvert aux denrées, modifieraient bientôt la culture des Arabes, et la charrue, multipliant les produits de la terre, rendrait disponibles les vastes espaces qui suffisent maintenant à peine aux troupeaux. Des faits nombreux recueillis sur divers points de la régence, l’empressement des Arabes à se porter sur nos travaux pour gagner un salaire médiocre, ne permettent pas de douter que cette révolution ne fût facile. Tentée prématurément, la colonisation agricole ne ferait qu’y apporter des obstacles et nuire à l’exploitation commerciale du pays, celle, au bout du compte, à laquelle nous avons le plus d’aptitude et d’intérêt.

J’aurai peut-être l’occasion de montrer avec quelques détails quelle était l’organisation gouvernementale des Turcs, de faire l’histoire de nos concessions d’Afrique, d’interroger sur les principaux travaux qu’il serait possible et profitable de faire les documens statistiques que nous possédons sur la régence. Je n’ai voulu aujourd’hui que rassurer ceux que l’expérience des cinq années qui finissent fait désespérer de l’avenir d’Alger.

Nous sommes donc placés entre deux systèmes : l’un de guerre et de brutalité, onéreux au présent, dépourvu d’avenir, et conduisant, un peu plus tôt, un peu plus tard, par le dégoût, à l’abandon ; l’autre de paix et de progrès, ménager des ressources de la France, profitable à l’Afrique, n’employant la force qu’avec discernement, tendant enfin, par des voies avantageuses à toute l’Europe, à la réalisation de la grande pensée de Napoléon, qui voulait faire un lac français de la Méditerranée. Nous réfléchissons depuis près de cinq ans au choix à faire : il est temps de se prononcer.