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DE L’ÉCOLE FRANÇAISE.

senté Henri iv sous la figure d’un palœotherium, que M. Delaberge a fiché les feuilles de ses arbres en bas et les racines en haut, que M. Dauzats a peint une cathédrale roulant comme l’entrepont d’un vaisseau de guerre. Or, le public tiendrait singulièrement à savoir à quoi s’en tenir là-dessus. Nous regrettons que de pareils élémens de comparaison nous manquent pour éclairer notre jugement ; toutefois, il nous semble permis de conclure de ce que nous avons sous les yeux, que l’école est revenue des tentatives excentriques. La tendance au solide, au vrai, se manifeste de toutes parts, et dans presque toutes les directions ; ce n’est plus seulement comme à l’époque intermédiaire dont nous avons parlé, une vue étroite d’un seul côté de la nature. La vérité se cherche dans l’ensemble comme dans les détails, dans la couleur comme dans le dessin, dans le sens noble comme dans le sens familier. On se persuade qu’avant d’être poétique, exalté, rêveur, atroce ou bouffon, avant de poursuivre Homère ou Shakspeare, de se plonger dans les brumes druidiques, ou d’encenser le soleil de l’Indoustan, il faut être peintre et faire positivement de la peinture. Je sais qu’ici l’on doit faire une distinction importante ; notre intention n’a jamais été et ne sera jamais de recommander un faux-semblant de raison dans l’art, qui évite soigneusement tout ce qui peut surprendre ou inquiéter la vue, une sorte de juste-milieu timide, pauvre et décent, qu’on voit sans trop de répugnance, et qu’on oublie presque aussitôt, un passable, ou un presque-bien, qui ne comporte jamais l’excellent, une portée moyenne à l’aide de laquelle on pousse tranquillement sa pointe sans offusquer personne, on élève honorablement sa famille, on devient propriétaire-électeur le jour où l’on a cessé d’être peintre. Une telle direction, trop souvent encouragée par les faveurs du pouvoir, est ce qui dans l’art produit le plus de mal. Notre conviction, notre devoir est de la combattre partout où nous en voyons poindre la velléité. Tout autre est le caractère de la raison dont nous nous faisons les soutiens, et sans laquelle il nous semble qu’il n’est point au monde de peinture. On est loin d’être d’accord sur le but suprême de l’art ; les uns prétendent qu’il est fait pour émouvoir, les autres pour plaire, d’autres enfin pour instruire et corriger. Mais ce que personne ne peut nier, c’est que son but immédiat ne soit de