Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/221

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
215
CONTEMPLATION.

Notre jour incomplet, vague et fausse lumière,
Qui de l’homme éblouit l’esprit et la paupière ;
Mais où la certitude habite, où tes transports
Découvrent chaque jour de merveilleux rapports ;
Où résonne, accessible à ton heureux génie,
Un concert sans parole et non sans harmonie ;
Où tu fais resplendir, à tes vives clartés,
Du calcul infini les deux immensités !


Mon ame, qui n’y peut demeurer suspendue,
De ce monde idéal tombe dans l’étendue[1] ;
Elle découvre alors de nouvelles grandeurs,
Dans un autre infini lit d’autres profondeurs ;
Elle voit, de tout temps existant dans l’espace,
Où l’univers encor n’avait pas pris sa place,
La forme, vide avant que l’être universel
Eût rempli de matière un contour éternel ;
Vous, point, cercle, triangle, ellipses, paraboles,
Vous, d’un type incréé figures et symboles,
N’avez-vous pas aussi des mystères sans fond,
Rapports, ordre certain, ravissement profond,
Qui faisaient immoler cent bœufs par Pythagore
Au dieu révélateur que la raison adore ;
Qui faisaient qu’Archimède, en ses pensers perdu,
Ne sentait pas le fer sur son front descendu ?
— Pourtant, ces grands mortels, ils n’avaient en partage
Qu’un peu de ce savoir, notre immense héritage ;
Ainsi, leurs yeux voyaient des sels et des métaux,
Aux cavités des monts, se pendre les cristaux[2],
Qu’en bouquets nuancés, en joyaux diaphanes,
Dieu lui-même assortit loin des regards profanes ;
Que pareils à la lampe en la main du mineur,
Dans la nuit qu’il habite allume le Seigneur,

  1. La géométrie.
  2. La géométrie moléculaire, ou crystallographie.