Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/301

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
295
POÈTES ET ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

digne d’inspirer ses chansons, s’est jamais exprimée de cette manière sur le peintre de l’amour et du plaisir. » Quant à la douleur rêveuse dans les impressions solitaires, espèce d’inspiration que Mme de Staël refuse aux Grecs, il demande où on la peignit jamais mieux que dans le sujet de Philoctète : avait-il donc oublié déjà la lecture confidentielle, qui venait de lui être faite, de René ? Ces articles sont remplis au reste de détails justes et fins. Quand il soutient Homère contre Ossian, il a peu de peine à triompher ; et dans cette querelle du nord contre le midi, il se souvient à propos que les poésies les plus mélancoliques ont été composées, il y a plus de trois mille ans, par l’Arabe Job. Il s’arrête, en remettant, dit-il, un plus ample examen à un temps où les questions les plus innocentes ne seront pas traitées comme des affaires d’état : mais il semble que c’était plutôt à Mme de Staël de se plaindre qu’on traduisît ses doctrines philosophiques en opinions factieuses. Les articles de Fontanes eurent grand éclat et excitèrent les passions en sens opposé. Mme Joseph Bonaparte lui en fit une scène à Morfontaine, la prochaine fois qu’elle le vit. Mais Bonaparte nota dès-lors, du coin de l’œil, l’habile écrivain comme un organe décent et modéré, acquis à ses futures entreprises.

Est-il besoin, après les articles de Fontanes, de mentionner deux morceaux de Geoffroy qui ne font que présenter les mêmes idées, moins l’urbanité malicieuse et la grace mondaine[1] ?

En publiant la seconde édition du livre De la Littérature, qui parut six mois après la première, Mme de Staël essaya de réfuter Fontanes, et de dégager la question des chicanes de détail dont on l’avait embrouillée. Elle ne se venge personnellement du critique qu’en citant avec éloge son poème du Jour des Morts dans une Campagne. Mais elle s’élève sans pitié contre ce faux bon goût qui consisterait dans un style exact et commun, servant à revêtir des idées plus communes encore : « Un tel système, dit-elle, expose beaucoup moins à la critique. Ces phrases, connues depuis si

  1. Ces morceaux de Geoffroy, datés de décembre 1800, et insérés dans je ne sais quel journal ou recueil, ont été reproduits au tome 8 du Spectateur français au xixe siècle : on trouve dans la même collection d’autres morceaux relatifs à cette polémique d’alors sur la perfectibilité.