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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 2.djvu/33

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ANDRÉ.

es propre ! As-tu fait ton droit ? As-tu étudié la médecine ? Pourrais-tu être professeur de mathématiques ? Saurais-tu au moins faire des bottes, ou même tracer un sillon droit avec la charrue ?

— Je ne sais rien d’utile, je l’avoue, répartit André. Je n’ai vécu jusqu’ici que de lectures et de rêveries. Je ne suis pas assez fort pour exercer un métier ; mais le peu que je sais, avec le peu que je possède, pourra me mettre à l’abri du besoin.

— Essaies-en, et tu verras…

— Je compte en essayer.

Joseph frappa du pied avec chagrin.

— Et c’est moi qui t’ai mis cette sottise d’amour en tête, s’écria-t-il, je ne me le pardonnerai jamais ! Pouvais-je penser que tu prendrais au sérieux la première occasion de plaisir offerte à ta jeunesse ?

— J’étais donc un lâche et un misérable à tes yeux ? Tu croyais que je consentirais à voir diffamer Geneviève, sans prendre sa défense, et sans réparer le mal que je lui aurais fait !

— On n’est pas un lâche et un misérable pour cela, dit Joseph en haussant les épaules ; je ne crois être ni l’un ni l’autre, et pourtant je fais la cour à Henriette : tout le monde le sait, et je la laisse tant qu’elle veut se bercer de l’espoir d’être un jour madame Marteau. Je veux être son amant, et voilà tout.

— Vous pouvez parler d’Henriette avec légèreté ; quoique je n’approuve pas le mensonge, je vous trouve excusable jusqu’à un certain point. Mais établissez-vous la moindre comparaison entre elle et Geneviève ?

— Pas la moindre : j’aime Henriette à la folie, et il n’y a pas un cheveu de Geneviève qui me tente ; je n’entends rien à ces sortes de femmes. Mais je comprends ta situation. Tu es le premier amant de Geneviève, et tu lui dois plus qu’à toute autre ; rassure-toi cependant : tu ne seras pas le dernier, et il n’y a pas de fille inconsolable.

— Je ne connais pas les autres filles, et vous ne connaissez pas Geneviève. Nous ne pouvons pas raisonner ensemble là-dessus ; agis avec Henriette comme tu voudras, je me conduirai avec Geneviève comme Dieu m’ordonne de le faire.

Joseph s’épuisa en remontrances sans ébranler la résolution de