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ANGELO MALIPIERI.

les secrétaires d’ambassade ne devraient-ils pas recueillir la semence que le génie de M. Hugo demande à féconder ?

Vous apprendrez que la pensée du poète, inviolable et sacrée comme la personne des rois, n’a rien à démêler avec les bourdonnemens du parterre. Les rimes qu’il daigne assembler pour nos plaisirs et notre enseignement ne relèvent pas de notre goût. Il nous ouvre les portes de son palais ; il allume pour nos yeux éblouis les lustres et les candelabres de ses galeries ; nous sommes chez lui, il nous admet à ses fêtes : nous serions mal venus à blâmer l’ordonnance des divertissemens. Soyez contens ou restez chez vous. Si vous charbonnez les murs du palais de grossières caricatures, si vous souriez insolemment aux quadrilles de la soirée, si vous demandez l’âge des vins qui vous sont versés, vous n’êtes qu’un manant et un mal appris.

M. Hugo n’a pas encore rencontré un courtisan de la force de M. le comte Rœderer ; mais, pour n’être pas promulguées, ses volontés ne sont ni moins sûres ni moins inflexibles. La critique est duement avertie. Si elle s’aventure désormais dans le guêpier de la discussion, elle ne devra s’en prendre qu’à elle-même.

Pourtant il y a parmi nous plus d’une conscience rétive, plus d’une mémoire obstinée qui ose comparer M. Hugo à Corneille, et qui ne rougit pas de cette profanation. Quelques-uns, et des plus hardis, vont jusqu’à lui demander compte de ses engagemens de 1827 : Vous nous aviez promis de dramatiser l’histoire, et depuis que la scène est à vous, l’histoire est pour votre génie dédaigneux comme si elle n’avait jamais été. Vous vouliez donc nous endormir avec des contes, et vous couronner pendant notre sommeil ?

N’y a-t-il aucun moyen d’établir la compétence de la critique ? Faudra-t-il nous récuser chaque fois que l’opinion nous interrogera ? J’ai reproduit fidèlement la doctrine du château, je dois reproduire avec la même franchise l’opinion de la majorité ignorante, je le veux bien, mais certainement sincère, à laquelle j’appartiens.

Si M. Hugo, au lieu de tailler dans l’histoire des romans et des drames, ou, pour parler plus nettement, d’emprunter aux chroniqueurs le baptême de ses drames et de ses romans, s’appelait Galilée, Newton ou Herschell ; s’il avait consumé les plus belles années de sa vie dans une laborieuse solitude, et s’il venait à nous